– Mobilisation générale contre les violences sexistes !

– Mobilisation générale contre les violences sexistes !

Subir des agressions parce qu’on est femme, ou encore en raison de sa non-conformité au rôle genré attendu, constitue une réalité quotidienne pour de nombreuses personnes, dans le monde entier. C’est le constat renouvelé qu’Equipop et ses partenaires font depuis plus de vingt ans. La lutte contre les violences sexistes s’est ainsi imposée comme un enjeu crucial dans nos actions.

Au fil des ans, nous avons vu se dessiner ce qu’on peut appeler un continuum de violences : les liens entre les différentes manifestations de la violence basée sur le genre sont apparus de plus en plus forts, leur dimension systémique et le fait qu’elles soient étroitement liées au sexisme et à la domination masculine également. Parallèlement, nous avons pu collectivement identifier des leviers d’action pour contribuer à prévenir et prendre en charge ces violences.

Un constat: les violences sexistes et sexuelles sont des violences universelles liées à la domination masculine

Des mutilations sexuelles féminines aux grossesses contraintes en passant par les mariages d’enfants, des insultes sexistes aux viols en passant par les violences gynécologiques et obstétricales (VGO), partout dans le monde, les femmes et les filles sont exposées à des agressions tout au long de leur vie. Les violences sexistes ne sont figées ni dans le temps ni dans l’espace. Leurs manifestations peuvent différer d’un contexte à l’autre et elles évoluent selon les époques, avec par exemple l’apparition de nouvelles manifestations de violences, telles que le cyber-harcèlement et les cyberviolences. Ces violences sont universelles. On les retrouve dans toutes les géographies. Les victimes peuvent appartenir à toutes origines, classes, âges, cultures, religions. Elles sont présentes aussi bien dans les sphères privées (au sein des couples, des familles) que dans les espaces publics (établissements scolaires, institutions sociales ou religieuses, lieux de travail, rue, transports).

Les violences sexistes sont ainsi intrinsèquement liées à l’organisation de nos sociétés patriarcales, fondées sur les inégalités entre les sexes et les genres. Les travaux féministes ont étudié comment elles constituent un moyen de contrôle social du corps et de l’autonomie des femmes. Ces travaux montrent également comment ces violences sont nourries par la croyance que les femmes appartiennent aux hommes et doivent se soumettre à leur volonté. Ainsi, les discriminations de genre sont non seulement à l’origine de ces violences mais elles contribuent aussi largement à leur acceptation et à leur invisibilité. Les discriminations de genre s’entrecroisent avec d’autres dynamiques de pouvoir liées à l’origine et à la classe, par exemple, ce qui génère différents niveaux d’injustice sociale. Certaines femmes à l’intersection de multiples discriminations et oppressions sont ainsi particulièrement exposées aux violences. Par ailleurs, certains types de violence sont commises en direction de groupes spécifiques.

Agir, mais comment?

Construire un monde sans violences sexistes et sexuelles nécessite la mobilisation du plus grand nombre, du niveau individuel au niveau mondial, et ce, dans tous les espaces de la société. Les leviers doivent être multiples et il n’y a pas un type d’action magique. Cependant, au fil des années, Equipop et ses partenaires ont acquis des convictions et identifié les leviers des actions prioritaires qui leur permettent d’apporter leur contribution à cette lutte globale.

VISIBILISER TOUTES LES VIOLENCES

Un des défis majeurs de la lutte contre les violences réside dans leur invisibilisation; les résistances sociales, institutionnelles et subjectives à la reconnaissance de ce phénomène étant nombreuses. D’abord, parce que la violence de genre est la norme dominante et qu’elle est intériorisée par l’ensemble de la population, y compris par les femmes ellesmêmes. Par exemple, la dernière Enquête démographie et santé au Sénégal montre que 40% des femmes trouvent normal qu’un homme batte son épouse pour un certain nombre de raisons, allant de la nourriture brûlée au refus de relations sexuelles. Par ailleurs, le langage utilisé par les médias et la société cherche à euphémiser la réalité à travers des expressions comme « crimes passionnels » pour parler de féminicides, d’«abuseurs » pour parler de violeurs, de «mains baladeuses » pour parler d’agressions sexuelles. Or, bien nommer les violences revient à politiser l’enjeu et à déplacer les lignes de partage entre ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas. Il faut également souligner que les politiques investissent peu sur des études, qu’il manque cruellement de données, y compris qualitatives, et que peu de récits de femmes sont rendus publics ou que, quand ils le sont, ils font souvent l’objet de tentatives de décrédibilisation. Pour contribuer à rendre publique et permettre de comprendre cette violence, les actions auxquelles Equipop contribue sont diverses : soutien financier à des associations et des activistes qui se mobilisent dans la rue ou dans les médias contre les violences, animation d’espaces de diffusion des expériences et des recherches féministes, ou encore édition d’un recueil de récits de vie des femmes, jusqu’au soutien à la conduite d’études.

Prévenir les mutilations sexuelles féminines (MSF) et les mariages forcés en les inscrivant dans un continuum de violences sexistes et sexuelles (VSS) – Equipop soutient depuis près de 20 ans des associations et des actrices communautaires qui mènent des actions intégrées et holistiques pour l’abandon de la pratique des MSF en Afrique de l’Ouest et en France. Pendant longtemps, les actions menées ont ciblé spécifiquement l’abandon de la pratique de l’excision et la prise en charge médicale de leurs séquelles. Or les filles concernées par l’excision sont aussi souvent exposées aux mariages forcés. Ces deux pratiques découlent des mêmes causes structurelles : des systèmes d’organisation patriarcale qui se fondent sur les inégalités entre les sexes. L’abandon durable des mutilations sexuelles féminines et du mariage forcé, comme la lutte contre toutes les formes de violences sexistes, ne peut donc passer que par des changements de normes sociales et la remise en cause des rapports de pouvoir inégalitaires. C’est pourquoi, dans le futur, les actrices mobilisées contre l’excision et les mariages forcés souhaitent davantage encore prendre en compte le continuum de violences en étendant leur mission à la prévention de l’ensemble des violences sexistes et sexuelles. De la même façon, les activités de prise en charge des séquelles médicales de l’excision seront étendues à la prise en charge juridique et socio-psychologique plus large des VSS. Parallèlement, des activités spécifiques seront menées avec les hommes et les garçons pour les amener à questionner leur masculinité.

INFORMER ET CONSCIENTISER

L’information et la conscientisation constituent des leviers d’action puissants. L’éducation, en particulier l’éducation complète à la sexualité en milieu scolaire et en milieu informel, ainsi que la formation des professionnel·le·s, des responsables des politiques publiques, des médias sont fondamentales. Toutes les actions qui contribuent à voir et à entendre une réalité autre que celle des récits dominants sont aussi transformatives. Le fait de soutenir la mise en place d’espaces permettant à la fois d’accueillir la parole des femmes et de leur donner accès à des informations, des outils qu’elles peuvent mobiliser pour agir, pour se défendre et pour se reconstruire est primordial. Enfin, le travail sur les masculinités représente également une piste identifiée par Equipop comme étant à creuser, et ce dès le plus jeune âge.

REPÉRER ET PRENDRE EN CHARGE

Repérer les violences, accueillir la parole des femmes concernées, analyser leurs besoins pour et avec elles, les orienter ou leur donner accès à des services de soutien et d’aide spécialisés, autant d’étapes nécessaires à une prise en charge efficace. Les violences basées sur le genre (VBG) nécessitent des interventions coordonnées de différents services vers lesquels elles doivent être orientées en fonction de leurs souhaits et besoins. Il est toujours nécessaire d’obtenir leur consentement éclairé avant de partager des informations, et ce pour chaque nouvelle orientation.

INSCRIRE LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES COMME PRIORITÉ POLITIQUE

La mobilisation des pouvoirs publics est un levier incontournable pour mettre les violences sexistes à l’agenda politique. Cette mobilisation doit se traduire par l’allocation de ressources financières à même de former et de renforcer les capacités des professionnel·le·s (personnels du secteur de la santé, de l’éducation, des services sociaux, des gendarmeries, des forces de police, des métiers des secteurs juridique et judicaire), et ce à chaque étape de l’accompagnement des victimes. L’allocation de fonds est aussi nécessaire au bon fonctionnement des structures d’hébergement, d’accueil et de prise en charge des victimes et de leurs enfants dans le but de favoriser leur guérison.

SOUTENIR LES MILITANTES ET LES ASSOCIATIONS

Les activistes et groupements de femmes jouent un rôle essentiel, et il faut les soutenir. De nombreuses études montrent que les avancées majeures en matière de lutte contre les violences ont été obtenues grâce à la mobilisation des femmes. Elles sont souvent aux avant-postes des changements sociaux, politiques, institutionnels et systémiques. Leur rôle est aussi crucial dans la prise en charge médicale, juridique, psychologique et socioéconomique des victimes ; les politiques et services publics étant souvent très peu structurés pour répondre aux immenses besoins. Depuis plusieurs années, Equipop soutient sur le long terme des associations mais aussi des militantes, particulièrement en Afrique de l’Ouest ainsi que leurs actions collectives. C’est un axe stratégique de notre travail, qui a vocation à se renforcer encore dans les années à venir.