– L’Agora féministe 2023 : cultiver nos alliances et changer le système !

– L’Agora féministe 2023 : cultiver nos alliances et changer le système !

“Cette Agora Féministe 2023 est une opportunité de renforcer nos liens, d’échanger nos idées, et de continuer à construire ensemble un avenir meilleur pour toutes les femmes.” Mariamar Conon (Bénin) – Retour sur la semaine qui a réuni 65 militantes féministes à Cotonou en octobre dernier !

Après une première édition placée sous le signe de la résistance aux mouvements antidroits, le comité d’orientation, composé de ROAJELF Bénin, IPBF (Burkina), Femin-in (Burkina), la Ligue Ivoirienne, le Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée, GMC (Mali), Voix de Femmes (Mauritanie), la Cellule Nigérienne des Jeunes Filles Leaders, ROAJELF Sénégal, YWA (Sénégal) et le Réseau des Jeunes Féministes d’Afrique de l’Ouest, ainsi qu’Equipop, se sont investis pour lancer la 2e édition de l’Agora féministe. Cette fois-ci, 65 militantes féministes se sont réunies à Cotonou, au Bénin, du 3 au 7 octobre.

Après une année chargée, se retrouver entre militantes féministes

Depuis l’Agora 2022, les participantes de la première édition ont fait face à une actualité chargée et de nombreux combats à mener pour les droits des femmes. Pendant un an, elles ont continué à échanger et construire pour leurs objectifs communs, comme lors du Lab d’incubation de la campagne de mobilisation régionale et politique ou lors de la conférence internationale Women Deliver. Elles ont dû se rassembler face à plusieurs cas de cyberharcèlement de militantes, s’organiser et se soutenir dans des contextes sécuritaires et politiques changeants, avoir des conversations difficiles et importantes au sein du mouvement… Cette nouvelle Agora était donc l’occasion d’accueillir de nouvelles énergies, et de relancer les discussions commencées un an auparavant, tout en continuant de nouer des liens avec des militantes d’autres espaces. 

Quelles visions politiques pour nos mouvements ?

La première journée thématique a permis aux participantes de l’Agora de se questionner sur leur manière de voir et penser des futurs féministes. Un premier panel “Penser des sociétés féministes : par où commence t-on ?”, a fait intervenir plusieurs militantes pour réfléchir à la façon dont, dans des contextes patriarcaux, racistes, capitalistes, les mouvements féministes sont éminemment politiques. Sortir de l’urgence, se questionner sur les systèmes de domination dans lesquels évoluent les féministes, et mobiliser des notions et des penseuses féministes émancipatrices.

“Comment on construit des stratégies qui ne sont pas des stratégies d’urgence ? L’urgence est un des outils du patriarcat pour nous empêcher d’avancer. Comment on crée des espaces où ces visions et ces imaginaires peuvent évoluer, changer ?” Laurence Meyer

Les participantes se sont réunies pour réfléchir et articuler des principes et des valeurs directrices telles que intersectionnalité, anti-capitalisme, patriarcat, sororité, décolonialité, et soins collectifs. Plusieurs penseuses féministes ont été mobilisées pour accompagner ces réflexions autour des défis relatifs à ces notions pour les féministes d’Afrique de l’Ouest, et des actions à mettre en place. 

« La véritable solidarité politique, c’est apprendre à lutter contre des oppressions qu’on ne subit pas soi-même. » bell hooks

Prendre notre sécurité et notre bien-être au sérieux

Lors de la 2e journée thématique de l’Agora, c’est les impacts des crises et des menaces faites aux féministes sur leurs luttes, leurs organisations mais aussi leur santé mentale et physique qui ont été abordés par les féministes. Des cercles de paroles, lieux de partage et d’écoute entre féministes sur les difficultés rencontrées dans l’exercice de leur militantisme, ont été organisés, pour permettre à chacune de libérer sa parole et partager leurs vécus, mais aussi se donner du courage et chercher des solutions collectivement.

 “L’Agora c’est aussi une façon de vivre pleinement la sororité, c’est de la sororité agissante. ” Souwaiba Ibrahim (Niger)

En résonance à l’actualité au Sahel, une table ronde a réuni des expertes de plusieurs zones géographiques pour échanger sur l’impact des crises sur le militantisme féministe, et s’inspirer de l’expérience des féministes d’Haïti, du Mali et du Niger. A la suite de ces partages d’expériences, des répertoires d’action ont été créés par les féministes pour lutter contre ces risques spécifiques auxquels elles sont exposées en tant que femmes et en tant que militantes.  

Nous battre pour le droit des femmes et filles à disposer de leur corps

L’avortement, et plus précisément les approches féministes du droit à l’avortement, étaient au coeur de la dernière journée thématique de l’Agora. Les féministes africaines présentes à l’Agora ont ainsi pu faire, 20 ans après l’adoption du Protocole de Maputo, le bilan des législations relatives à l’avortement dans leurs différents pays, puis chercher collectivement des solutions face aux principaux obstacles qui menacent l’accès à l’avortement sécurisé pour toutes et tous. Face aux mouvements anti-droits, aux pesanteurs socio-culturelles, au manque de données fiables et d’accès à des informations de qualité, ou encore au manque de volonté politique de certains gouvernements, les féministes de différents pays ont comparé et réfléchi à des stratégies efficaces. 

“Mon corps, mon choix ! On parle de l’autonomie corporelle, du droit de décider avec mon corps. J’ai le droit d’avoir l’information, c’est moi qui décide de mener ou non une grossesse” Salématou Balde (Côte d’Ivoire)

Enfin, comment ne pas parler des récentes victoires féministes au Bénin sur la question de l’avortement ! Un panel sur l’expérience croisée du Bénin et de la Tunisie a permis aux participantes de l’Agora de revenir sur les mobilisations féministes qui ont mené à des legislations favorables à l’avortement sécurisé. Des féministes spécialistes de la question dans ces deux pays ont pu donner leur analyse des facteurs politiques et sociétaux qui ont pu permettre ces avancées législatives, mais aussi les obstacles qui continuent à entraver l’accès des femmes de leur pays à ce droit fondamental.

“Nous avons besoin de sensibiliser les femmes sur le fait qu’aller à l’hôpital ne veut pas dire que leur corps ne leur appartient plus. Cela ne veut pas dire que c’est le professionnel de santé qui décide à leur place. La patiente a le droit de demander des informations, de donner son consentement, de participer à sa prise en charge.” Nafissate Hounkpatin (Bénin)

Faire le bilan et penser à l’avenir

Pendant l’Agora, plusieurs espaces ont été utilisés par les féministes pour porter leurs positionnements et leurs revendications d’une même voix aux partenaires techniques et financiers présent·e·s au Bénin. Le suivi de ces échanges et la continuité de leurs efforts de mobilisation sociale et politique, que ce soit via la participation concertée des féministes aux prochaines rencontres régionales et internationales ou via la mise en oeuvre de leur campagne régionale de mobilisation sociale et politique sur les violences sexistes et sexuelles, est l’une des priorités édictées par les participantes. Une autre est celle de réfléchir collectivement à la suite de cet espace collectif d’apprentissage mutuel et d’organisation qu’est l’Agora et aux formes qu’elle pourra prendre. Une chose est sure, cette 2e édition de l’Agora Féministe a continué de tisser et renforcer les liens créés lors de la premiere, pour paver le chemin d’une sororité régionale active et agissante ! 

“Ce que j’aime à l’Agora, c’est aussi la confrontation des idées et des esprits. On aime cette dynamique d’accepter d’avoir des divergences dans nos outils de travail, dans nos moyens de lutte. Ça renforce nos combats et ce qu’on fait.” Zipporah Ndione (Sénégal)