– Quelles dynamiques créent les jeunes féministes en Afrique de l’Ouest et comment les soutenir – première étape d’une étude

Entretien avec Ténin de l'ONG MESSI, partenaire d'Equipop

– Quelles dynamiques créent les jeunes féministes en Afrique de l’Ouest et comment les soutenir – première étape d’une étude

En janvier, cinq étudiantes de Sciences Po se sont rendues au Sénégal et en Côte d’Ivoire pour rencontrer des jeunes féministes. Une étude de terrain qui leur permettra de documenter leur projet de recherche, réalisé pour Equipop, sur les actions collectives portées par de jeunes activistes en Afrique de l’Ouest afin d’identifier comment mieux soutenir ces dynamiques.

En septembre, Carolin, Chloé, Hannah, Inaïssa et Sofietou, étudiantes en Master 1, avaient répondu à un appel à candidature lancé par le Programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre (PRESAGE) de Sciences Po et Equipop.  Toutes les cinq ont été sélectionnées pour rédiger un rapport sur les actions portées par des jeunes activistes féministes en Afrique de l’Ouest. 

Depuis Paris, première phase de recherches 

Ce projet, financé par Women Forward International, vise à saisir la diversité des modes d’organisation, de communication et d’action de jeunes féministes en Afrique de l’Ouest. « Notre objectif est de comprendre les dynamiques, les actions, les effets des jeunes féministes au sein des pays et comment une organisation comme Equipop peut les appuyer, détaille Chloé Bertrand. Nous avons commencé par cartographier les actions féministes dans deux pays, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Nous avons ainsi pu identifier des activistes via les réseaux sociaux et dans des listes préexistantes comme celle des jeunes féministes qui se sont réuni·e·s à Ouagadougou, en 2018, à l’initiative d’Equipop. Pour la Côte d’Ivoire, nous avons ainsi rassemblé les contacts d’une quarantaine de jeunes féministes. »

Les étudiantes ont ainsi réalisé une première série d’interviews dématérialisée depuis Paris. « L’objectif de cette étape était de mieux cerner les profils de nos interlocutrices et interlocuteurs, puis de définir une série de questions pertinentes à poser en directe lors des missions de terrain, détaille Inaïssa Sylla. Nous nous demandions par exemple si elles partagent la même définition du terme « féminisme », quelles sont les dynamiques de genre dans leur pays. »

Entre Sénégal et Cote d’Ivoire, rencontres avec des féministes aux profils variés

Au mois de janvier, les cinq étudiantes sont parties 10 jours sur le terrain en se répartissant la tâche entre deux pays. « Pour le Sénégal, nous avions contacté en amont une trentaine d’activistes, précise Hannah Milbers. Sur place, nous avons interviewé une vingtaine de personnes. Ce qui nous intéressait, c’était de comprendre les clés de leurs succès, leurs challenges, leurs défis. »

Elles rencontrent ainsi de nombreux profils d’activistes, essentiellement des femmes : féministes engagées contre l’excision, journalistes, entrepreneuses, professionnelles de santé… Leur protocole les amènent à poser à toutes des questions similaires : « Vous considérez-vous féministe ou activiste ? » ; « Quelles sont vos actions, leurs effets, leurs limites ? » « De quoi auriez-vous besoin pour étendre vos actions ? ».

Il n’y a pas un féminisme mais des féminismes à soutenir

« J’ai été particulièrement marquée par l’énergie qui se dégageait lors de ces entretiens, raconte Inaïssa Sylla. J’ai été surprise, aussi, par la diversité des actions. Même si nous avons bien compris que toutes ne sont pas forcément coordonnées entres elles, que beaucoup même se chevauchent. »

« J’ai pour ma part été marquée par le fait qu’elles ne se considèrent pas toutes féministes, note Chloé Bertrand. Ou qu’elles se considèrent féministe pour des raisons différentes. Certaines pensent même que c’est une notion très occidentale pas forcément adaptée à leurs réalités. »

Toutes soulignent l’importance de s’être rendues sur place. « Il était essentiel pour notre étude de rencontrer les personnes dans leur contexte quotidien, dans leur environnement de travail, insiste Inaïssa Sylla. Nous avons bien entendu conscience que les personnes rencontrées ne sont pas représentatives de toutes les réalités du pays. Nous nous sommes par exemple limitées à Abidjan. Et nous imaginons bien que les réalités sont différentes à l’intérieur du pays. »

Cet état des lieux sur les différentes formes d’activisme et de féminisme prendra la forme d’un rapport que les cinq étudiantes rendront en juin. Il permettra d’alimenter la réflexion sur les moyens à déployer pour soutenir au mieux les jeunes activistes d’Afrique de l’Ouest. « En Afrique de l’Ouest, des voix émergent avec une énergie nouvelle pour participer à la construction d’une société plus juste, constate Aurélie Gal-Régniez, directrice exécutive d’Equipop. Actives et actifs dans la rue ou sur les réseaux sociaux, dénonçant dans la presse les ravages du non-accès à l’avortement sécurisé ou intervenant dans l’intimité des familles pour empêcher les mariages d’enfants, formant des adolescentes au leadership ou leur facilitant l’accès à l’éducation à la sexualité, ouvrant le dialogue avec les adultes, les hommes ou les chef·fe·s traditionnel·le·s, ces jeunes font bouger les lignes, souvent, en prenant des risques. Equipop, est convaincue qu‘il faut plus que jamais appuyer leurs combats et contribuer à ce que ces voix soient entendues dans tous les espaces où se construisent les politiques de demain ! »