– Pour les droits et la santé sexuels et reproductifs : des financements, maintenant !

– Pour les droits et la santé sexuels et reproductifs : des financements, maintenant !

La journée mondiale de la contraception, le 26 septembre, est l’occasion de revenir sur le colloque co-organisé par Equipop et six partenaires mercredi dernier au CESE : “Où est l’argent pour les droits sexuels et reproductifs ? Garantir le droit des femmes à disposer de leur corps : la France doit tenir ses engagements”. Les interventions ont toutes convergé vers l’idée que la France doit faire plus et mieux dans le domaine. Un appel a été lancé : vous pouvez soutenir l’initiative ici.

Les journées internationales de la contraception et de l’avortement (respectivement aujourd’hui et jeudi) peuvent, en France, paraître organisées par habitude ou par symbolisme : les moyens de contraception y sont variés et accessibles, et, à l’exception du préservatif, remboursés par la sécurité sociale à 65%. Pour l’IVG, la couverture est totale. Mais, outre le fait qu’en pratique ces droits ne sont pas appliqués à cent pourcent, l’enjeu de la mobilisation dépasse largement les frontières françaises. Et, depuis quelques années, le contexte politique international rend cette mobilisation réellement indispensable.

 

Pourquoi ? Parce que les mouvements extrémistes religieux et conservateurs montent en puissance, et des droits que l’on croyait protégés sont à nouveau menacés. Parce que, comme Danielle Bousquet, présidente du HCE, l’a souligné en ouverture du colloque : »les premiers droits qui sont remis en cause sont toujours les droits et la santé sexuels et reproductifs (DSSR), car attaquer ces droits, c’est attaquer la condition première et préalable de l’autonomie des femmes« .

Reculs politiques et baisse des financements

La première table ronde du colloque s’attachait à analyser la montée en puissance des mouvements conservateurs et la baisse des financements pour les droits sexuels et reproductifs.

Les organisations multilatérales, en premier lieu, souffrent de baisses considérables de leurs financements, et Julie Morizet et Petra ten Hoope-Bender, représentantes du Fonds des Nations unies pour la Population (UNFPA), l’ont montré très clairement mercredi. Tout d’abord les Etats-Unis ont cette année tout simplement cessé de financer l’agence onusienne. Mais aussi parce que certains pays progressistes, comme la France, seulement 19ème donatrice, ne la financent absolument pas à la hauteur de leurs moyens.

Mais les coupes budgétaires n’affectent pas seulement les organisations internationales. En France, par exemple, le contexte budgétaire a des conséquences très concrètes. Véronique Séhier, co-présidente du Planning Familial a souligné les disparités géographiques qui existent selon les régions de France, avec des centres de planification familiale forcés à fermer faute de subventions, et des lois dont l’application est parfois impossible, faute de budget suffisant.

 

En Afrique de l’Ouest, où l’accès à une contraception moderne et à l’avortement sécurisé reste très limité, les besoins de financement demeurent immenses. Adam Dicko, représentante du mouvement d’action des jeunes de l’IPPF pour l’Afrique et partenaire d’Equipop au Mali, l’a résumé en ces termes : “Une femme qui tombe enceinte a plus de peur que de joie. Donner naissance ne doit plus être une fatalité, ça doit être un choix, une joie. Ce combat nécessite une volonté commune et un engagement général”.

 

Force est de constater que les réponses tardent. Neil Datta, secrétaire général de l’European Parliamentary Forum on Population and Development, a alerté la salle : les mouvements conservateurs, parrainés par le Saint-Siège en Europe, sortis de la marginalité par George W. Bush, renforcés depuis l’élection de Donald Trump, se fédèrent, s’allient. De l’autre côté, les mouvements pro-choix n’ont pas encore réellement pris conscience de la nécessité de construire une réponse structurée.

Contributions financières : le nécessaire engagement français

Dans la seconde table ronde, la fondatrice du Global Fund for Women, Ann Firth Murray, a évoqué le rôle des fondations privées dans la défense des droits sexuels, et Rebekka van Roemburg co-directrice de She Decides, l’importance des fonds publics. Même constat chez ces deux intervenantes : les financements dépendent plus de la volonté et de la conviction personnelle d’un·e ministre alors même qu’ils devraient s’appuyer sur un réflexe institutionnel. En effet, les DSSR sont des droits universels, inaliénables. Ils constituent le fondement de l’égalité entre les femmes et les hommes et un levier de développement. Nous touchons là au coeur de la question posée par le colloque : quels financements la France consacre-t-elle à la promotion des DSSR, et surtout, quels financements supplémentaires, dans le futur ?

 

Elisabeth Claverie de Saint Martin, directrice du Développement durable au Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, a insisté sur l’engagement politique français. Elle a notamment cité le discours prononcé par Emmanuel Macron la veille à New York devant l’assemblée générale des Nations unies, pour démontrer que les droits des femmes étaient une préoccupation stratégique, mais il n’a pas été question de chiffres budgétaires. Marie-Pierre Rixain, présidente de la Délégation des droits des femmes à l’Assemblée Nationale et membre de la majorité, a évoqué quant à elle  le cap de l’augmentation de l’aide publique au développement fixé par le président pour atteindre les 0,55% du revenu national brut.

En attendant que les travaux de la Délégation débutent réellement, notamment sur l’examen du budget par les parlementaires, et que les promesses d’augmentation de l’aide se concrétisent, il reste un chiffre parlant, que Danielle Bousquet avait souligné : en 2016, le budget consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes équivalait à 0,0066% du budget global de la France.

 

Prévue en conclusion, la secrétaire d’Etat, chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, s’est décommandée au dernier moment. Le directeur de l’Agence Française de Développement a également déprogrammé son intervention quelques jours avant le colloque. Aucun·e des deux ne s’est fait représenter. Fâcheux contretemps ou absence significative ? Malgré les engagements français en faveur des droits des femmes portés haut et fort par le Président de la République, un doute important subsiste concernant la volonté réelle des autorités françaises de faire plus pour les DSSR. Adam Dicko l’avait déjà souligné une heure auparavant : “Je ne suis pas là pour quémander auprès de la France, mais pour lui rappeler que les ressources doivent suivre les engagements. Je ne dis pas que la France ne fait rien, la France fait beaucoup de choses, mais il y a plus de beaux discours que d’actions”.

La mobilisation lancée par Equipop et ses partenaires reste donc indispensable. Elle se poursuit à travers un appel lancé en conclusion du colloque par Aurélie Gal-Régniez, directrice d’Equipop, pour qui chacun·e, ainsi que le gouvernement, doit “opposer un non systématique à toute tentative d’entraver le droit des femmes à disposer librement de leur corps”. “En investissant dans les droits des femmes, ce sont nos pratiques de développement qui vont changer, et par delà même toutes nos sociétés”. Sur ce point, nous ne pouvons qu’être d’accord avec le Président de la République, il s’agit bien d’un défi “civilisationnel”. Et pour le relever, il faut des moyens.

Accéder à la vidéo intégrale du colloque en cliquant ici