Pour des agendas féminISTES, paix et sécurité : un projet pour une paix inclusive et durable en Afrique de l’Ouest et au Sahel

Pour des agendas féminISTES, paix et sécurité : un projet pour une paix inclusive et durable en Afrique de l’Ouest et au Sahel

Le vendredi 20 septembre 2024, en prélude à la Journée Internationale pour la Paix, s’est tenu le webinaire de lancement du projet « Pour des Agendas FéminISTES, Paix et Sécurité », organisé par un consortium composé d’Equipop (cheffe de file), de l’ONG FAD, de Diakonia et de Gorée Institute. 

Sous le thème « Femmes et jeunes en action : Bâtir des ponts pour une culture de paix dans un contexte marqué par des crises sécuritaires en Afrique de l’Ouest et au Sahel », le webinaire a mis l’accent sur la nécessité d’inclure les femmes et les jeunes dans la construction de la paix, en s’appuyant particulièrement sur les résolutions 1325 et 2250 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Il s’est tenu sous la modération de Maître Aïssata Geneviève SISSOKO DIALLO, avocate au barreau de  Côte d’Ivoire, Présidente du Réseau Paix et Sécurité pour les Femmes dans l’Espace CEDEAO-section Côte d’Ivoire (REPSFECO-CI) et Présidente du Groupe de Travail Femmes, Jeunes, Paix et Sécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel  (GTFJPS-AOS). Cet événement en ligne a réuni plus de 150 participant.e.s expert.e.s en genre, paix et sécurité, des cadres de la fonction publique des pays couverts par le projet, des PTF, des activistes féministes, des universitaires et chercheur.euse.s, des leaders communautaires, ainsi que divers représentant.e.s de la société civile.

 

Les grands thèmes abordés

 

Le webinaire a été structuré autour de quatre axes principaux abordés par les panélistes.

 

  • Contexte et enjeux des résolutions 1325 et 2250

 

Ce premier sous-thème a été développé par Madame Miriame SIDIBE KONATE, titulaire d’une thèse de doctorat en science politique de l’Université de Bordeaux, sur la question des réfugié·e·s malien·ne·s au Niger, dans le contexte de la crise de l’Etat malien. Cette session a permis de mettre en lumière les contextes qui ont prévalu à l’adoption des résolutions 1325 et 2250 à savoir que les femmes et les filles sont les premières victimes des conséquences des conflits (viol, VBG, non accès aux services de santé,….).

Ces résolutions à travers les agendas “Femmes, Paix et Sécurité” et “Jeunesse, Paix et Sécurité”, appellent à la reconnaissance des besoins essentiels et à la participation active des femmes et des jeunes dans les processus de paix et la gestion des crises en général. Elle explique en ces termes ‘’on peut retenir que ces deux résolutions dans le Sahel sont cruciales pour résoudre durablement les conflits et qu’elles soutiennent les femmes et les jeunes dans cette approche de construction de paix durable.’’

Elle ajoute plus loin que “l’approche feministe encourage une analyse intersectorielle qui prend en compte les spécificités régionales et culturelles dans la promotion de l’égalité des sexes.” 

 

  •  État des lieux de la participation des femmes et des jeunes

 

L’experte Simone Mbodé DIOUF, jeune ambassadrice pour la Paix de l’Union africaine représentant la région Afrique de l’Ouest et chargée de programme pour l’Afrique au sein du Global Network of Women Peacebuilders (GNWP), a fait le point sur les avancées, les défis et les opportunités autour de la participation des femmes et des jeunes à la gouvernance de la paix. Elle explique que la résolution 1325 a toujours été feministe : ‘’depuis 1995, à sa création, cet agenda { NDLR Femmes paix et sécurité} a été porté par des féministes au sommet de Beijing et elles ont fait un travail incroyable’’.

Simone Mbodé Diouf ajoute que les avancées de ces résolutions en Afrique de l’Ouest sont à saluer car dit-elle, ‘’il y a 12 pays qui ont élaboré des plans d’actions nationaux Femmes Paix et Sécurité {…}. C’est une avancée considérable en Afrique. Je voudrais que tout le monde le sache car notre région fait de grandes avancées.”

 

  • Mécanismes endogènes de participation des femmes dans la prévention des conflits

 

Ibrahim HAROUNA OUSMANE, docteur en socio-anthropologie, spécialisé dans les questions de sécurité et de conflits a expliqué l’utilisation de mécanismes traditionnels et communautaires par les femmes pour prévenir les conflits et promouvoir la paix, notamment à travers des initiatives locales qui favorisent le dialogue intergénérationnel et la réconciliation.

Elles ont un statut très complexe, multiface au sein de leurs communautés avec des participations variées sur leurs rôles dans les différents conflits” , explique-t-il. 

Il a également insisté sur la nécessité de mieux cartographier et analyser les divers conflits qui s’entrecroisent aux niveaux locaux, ainsi que  et leurs causes, afin d’apporter des réponses plus spécifiques et holistiques. 

 

  • Approches féministes des agendas FPS (Femmes, Paix et Sécurité) et JPS (Jeunes, Paix et Sécurité)

 

Quant à Nafissatou HASSANE ALFARI, co-fondatrice et Directrice Exécutive de l’ONG Women in Nexus au Niger, elle a mis l’accent sur les perspectives féministes dans la mise en œuvre des agendas FPS et JPS. Elle a insisté sur l’importance de prendre en compte les spécificités de genre dans les stratégies de paix et de sécurité, en particulier dans un contexte de crises sécuritaires où les femmes et les jeunes sont souvent les plus touché.e.s. Elle a également formulé 7 recommandations que sont:

  • la non-instrumentalisation des femmes et des jeunes au niveau des instances de décision ;
  • la lutte contre les violences sexuelles et sexistes qui sont souvent utilisées comme armes de guerre ;
  • la transformation et le démantèlement des structures du pouvoir patriarcal militarisé qui perpétue les conflits ;
  • La promotion de la justice réparatrice en mettant en place des mécanismes qui réparent les survivant·e·s et punissent les auteur.ice.s des violences sexistes et sexuelles par la mise en place de systèmes judiciaires sensibles au contexte ;
  • le lien entre la paix, la sécurité et le développement en mettant l’accent sur les causes profondes des conflits ;
  • l’investissement sur l’autonomisation économique des femmes et des jeunes ;
  • le soutien aux organisations d’Afrique de l’ouest qui travaillent sur les Agendas FJPS pour une action synergique. 

 

Des échanges constructifs et interactifs

 

Le webinaire a été marqué par des échanges riches et interactifs entre les participant.e.s et les panélistes, qui ont d’abord rappelé que malgré le contexte sécuritaire dégradé, l’Afrique de l’ouest est une championne de l’agenda FPS avec 12 sur 15 pays ayant des Plans d’Action Nationaux. Des questions ont été soulevées sur les moyens d’améliorer l’implémentation synergique des résolutions 1325 et 2250, en particulier au niveau local dans les zones les plus affectées par les conflits et crises, avec le rôle majeur que doivent jouer les collectivités territoriales dans la vulgarisation et la mise en œuvre inclusive des Plans d’Action Nationaux. Le défi du financement des PANs a également été relevé. Surtout, de nombreuses réflexions ont été faites sur la survivance des stéréotypes de genre lorsqu’on aborde la question de la participation des femmes à la gestion des conflits, et sur la place des jeunes filles, grandes oubliées de l’agenda Jeunesse, Paix et Sécurité “confisqué” par les jeunes hommes avec la thématique omniprésente de l’extrémisme violent, mais aussi de l’agenda Femmes, Paix et Sécurité apanage des femmes plus âgées à l’origine de sa genèse.  

 

Recommandations clés issues du webinaire

 

Le webinaire s’est achevé sur plusieurs recommandations formulées par les panélistes et les participant.e.s pour renforcer l’impact de la participation des femmes et des jeunes dans la promotion de la paix, y compris en capitalisant les initiatives notamment endogènes réussies. 

 

Une mobilisation à poursuivre

 

Ce premier webinaire marque une étape importante dans le déploiement du projet « Pour des Agendas FéminISTES, Paix et Sécurité », le lancement de la page Facebook Féministes Paix et Sécurité  et l’ouverture d’un cycle de conférences thématiques à venir sur le sujet. Il a permis de rappeler l’importance cruciale d’une participation inclusive et féministe pour la construction d’une paix durable. Les discussions du webinaire ont souligné que les solutions pour prévenir et résoudre les crises sécuritaires en Afrique de l’Ouest et au Sahel doivent être contextualisées, basées sur une cartographie des conflits et une analyse approfondie de leurs causes ; et qu’elles ne peuvent être complètes sans la contribution active et collective des femmes et des jeunes dans leurs diversités, acteur·trice·s clés de la transformation sociale et politique.