– Assemblée générale des Nations unies : Emmanuel Macron doit porter la diplomatie féministe avec conviction
Un mois après le G7, Emmanuel Macron se rend à l’assemblée générale des Nations unies à New York. C’est un moment-clé pour progresser vers l’égalité femmes-hommes, et la France doit user de tout son pouvoir d’influence pour intensifier la mobilisation internationale. Le président doit se positionner de façon franche pour enfin incarner la « diplomatie féministe » affichée par son gouvernement depuis un an et demi.
Cette tribune est parue dans Huffpost le 23/09
Tribune par Nicolas Rainaud, responsable plaidoyer d’Equipop, et membre du HCE (Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes).
Il y a un an, à la tribune des Nations unies, Emmanuel Macron lançait un appel pour faire de l’égalité femmes-hommes une « grande cause mondiale ». La présidence française du G7, effective depuis janvier, était le principal vecteur de cette mobilisation, et l’objectif était de tenir « un G7 féministe ». Près d’un mois après le sommet des chef·fe·s d’Etat et de gouvernement à Biarritz, quel bilan peut-on tirer ?
Oui, le G7 2019 a permis des avancées. Dans un contexte difficile, la diplomatie française a obtenu la signature du « Partenariat de Biarritz pour l’égalité entre les femmes et les hommes » par les sept membres du G7 et quatre autres États ; le chiffre pourrait grossir à New York. Des financements conséquents ont été mis sur la table pour soutenir l’initiative AFAWA en faveur de l’entrepreneuriat féminin en Afrique. Enfin, la France contribuera à hauteur de 6,2 millions d’euros sur trois ans au fonds dédié aux personnes ayant survécu à des violences sexuelles en temps de conflit, créé par Nadia Murad et Denis Mukwege.
Un G7 qui va dans le bon sens, mais pas encore un G7 féministe
Pour avancer vers l’égalité femmes-hommes, il faut à la fois des engagements concrets, financés, et un positionnement politique ferme. A Biarritz, force est de constater que la France a privilégié le compromis autour de ces trois initiatives au détriment de la défense d’un idéal égalitaire. Donald Trump avait déclaré au début du sommet que l’égalité femmes-hommes, le climat et le développement en Afrique étaient des sujets « de niche ». Il n’a pas été contredit. Afficher une collaboration franco-américaine sur les autres dossiers était peut-être pertinent pour préserver le multilatéralisme, ce n’est pas à nous d’en juger, mais ce choix contredit l’ambition de tenir un G7 féministe.
Par ailleurs, les « photos de famille » de Biarritz, qui comportent pour la plupart une femme ou deux pour quinze ou vingt dirigeants, se passent de commentaires. Un G7 ne peut pas être considéré « féministe » lorsque la parité est à ce point bafouée. Bien sûr, le fait que les leaders des Etats du G7 et des institutions invitées soient des hommes n’est pas de la responsabilité de la présidence française, mais il était possible d’atténuer cette image déséquilibrée, par exemple en supprimant les sorties des « premières dames », qui perpétuent certains stéréotypes. La tradition est sans doute difficile à briser, mais Emmanuel Macron l’a fait dans d’autres domaines de ce G7, en revendiquant le fait de casser les codes et en imposant un format renouvelé, sans déclaration finale commune.
Le G7 est passé, il n’y a plus de raison d’avancer à couvert
L’omniprésence des Etats-Unis dans le G7 a rendu les manœuvres diplomatiques extrêmement délicates ; et l’essence même du G7, groupe informel d’Etats puissants, est questionnable. Mais le G7 est passé. L’horizon est dégagé et il faut que la France avance à découvert. L’assemblée générale des Nations unies et l’année qui s’annonce sont l’occasion de replacer ces enjeux dans un contexte plus légitime et institutionnalisé.
Les Nations unies sont le théâtre d’un rapport de force entre les Etats qui promeuvent les droits des femmes et les Etats conservateurs qui tentent par tous les moyens de les faire régresser. La parole d’Emmanuel Macron en la matière doit être intraitable, et constituer un axe majeur de son intervention.
Outre l’impact espéré au sein de la communauté internationale, cela aura un effet positif en interne. La diplomatie française n’a pas encore complètement intégré le réflexe de défendre l’égalité femmes-hommes, et c’est relativement normal car le concept de « diplomatie féministe » est récent. Une impulsion de niveau présidentiel, régulière et convaincante, n’est pas suffisante, mais elle est indispensable pour systématiser l’approche dans l’ensemble du corps diplomatique.
Mettre en cohérence l’international et le national
Conduire une diplomatie féministe doit vouloir dire deux choses dans un futur proche. Premièrement, écouter ce que les mouvements féministes, dans toute leur diversité, ont à dire. Récemment, le président de la République a consulté plusieurs instances qu’il a lui-même nommées et qui constituent une partie de la société civile. Cette évolution intéressante ne peut pas remplacer la consultation de mouvements qui s’organisent et font remonter par eux-mêmes des recommandations. Le succès du « Forum Génération Egalité », qui se tiendra à Paris en présence de 5 000 personnes dont une cinquantaine de chef·fe·s d’Etat, dépend largement de cette inflexion.
Deuxièmement, une approche féministe implique d’accorder des crédits financiers conséquents à la question. L’égalité femmes-hommes étant à la fois la « cause mondiale » lancée par Emmanuel Macron et la grande cause du quinquennat au niveau national, la cohérence exige que la prise de parole du Président à New York s’accompagne, dans les semaines à venir, d’arbitrages budgétaires en faveur de moyens considérablement accrus pour mettre en œuvre les politiques liées au « Grenelle » des violences conjugales.
Il est sans doute difficile de changer la norme politique qui veut que cette cause ait toujours dû avancer sans réels moyens jusqu’à présent. C’est le moment pour Emmanuel Macron de faire preuve de cette audace qu’il a demandée de façon répétée aux ambassadeurs et ambassadrices dès le lendemain du G7, et de casser cette norme. L’égalité femmes-hommes est effectivement une grande cause, et elle ne peut être portée qu’avec de vrais moyens.
Nicolas Rainaud est responsable plaidoyer France et International chez Equipop. Diplômé de Sciences Po Paris, il travaille depuis dix ans dans le domaine de la solidarité internationale. Il suit les processus d’intégration de l’approche genre dans la politique de développement française et dans les initiatives internationales. Membre du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, il est par ailleurs actif au sein de la commission genre de Coordination SUD et du groupe d’engagement « Women 7 ».