– Interview : Cornélia Glèlè, militante féministe béninoise
Cornélia Glèlè est membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest, du Réseau Ouest Africain des Jeunes Femmes Leaders et de l’association EcranBenin.
Pouvez-vous nous présenter le Réseau des jeunes féministes ouest-africain·e·s ?
Le Réseau des jeunes féministes ouest-africain·e·s est un creuset de jeunes engagé·e·s pour les droits des femmes, dans différents pays d’Afrique de l’Ouest. On s’est réuni·e·s pour la première fois en novembre 2018 à Ouagadougou, grâce à Equipop. On a décidé de travailler ensemble afin de rendre meilleures les conditions de vie des femmes dans notre communauté ouest-africaine, mais également à ce que notre voix porte lors du G7 2019, présidé par la France. Pour y arriver, nous avons mis en place 4 projets : un vlogging, un happening, un twittathon et une vidéo d’influenceur·euse·s.
En quoi cet espace d’échange sous-régional peut-il s’articuler avec vos engagements aux niveaux nationaux ?
Cet engagement sous-régional nous permet d’évaluer où en sont les autres pays en matière de droits des femmes et de mener des activités dans nos pays respectifs. Je prends l’exemple du projet happening : il sera exécuté dans plusieurs pays, dont le Bénin (mon pays). Ce projet a pour but de dénoncer les différentes violences que subissent les femmes à travers des prestations de slam. C’est donc un projet sous-régional, mais qui impacte directement chaque pays membre du creuset.
Quels sont vos principaux combats ?
Au sein du Réseau des jeunes féministes ouest africaines nous avons cinq grands combats. Nous voulons que chaque femme ait le droit de disposer de son corps comme elle l’entend, notamment qu’elle puisse décider de quand et de combien d’enfants avoir. Nous voulons que les filles, quel que soit leur milieu d’habitation, aient accès à une éducation de qualité, dans un environnement sécurisé. Nous voulons que la règle « à travail égal, salaire égal » soit une réalité et que les travaux exécutés par les femmes soient rémunérés à leur juste valeur. Nous voulons que la part réservée aux femmes dans les budgets de nos états soit revue. Enfin, nous voulons que des femmes accèdent aux postes de décision. Les femmes connaissent mieux les problèmes des femmes. On ne peut pas continuer à laisser des hommes décider si, oui ou non, on a le droit de faire des enfants ou de travailler. Nous voulons décider pour nous-mêmes et donner un peu de repos à ces messieurs qui ont toujours fait le job, mais qui n’ont pas réussi à changer grand-chose.
Qu’est-ce que c’est pour vous, être féministe en Afrique de l’Ouest ?
Ici, les gens ne comprennent malheureusement pas qu’un·e féministe, c’est une personne qui a envie que le monde soit plus juste. Assumer son statut de féministe, c’est accepter de se mettre à dos toute une population encore misogyne. Et moi, je n’ai pas honte, je l’assume. Autant que les hommes, les femmes ont besoin d’être épanouies et de ne pas vivre pour les autres ou dans des réalités culturelles qui ne leur permettent pas d’avancer (l’excision ou les mariages forcés par exemple). C’est d’ailleurs parce qu’il y a encore toutes ces inégalités à corriger que nous, les féministes ouest-africaines, avons une raison légitime d’exister.