Fondemsan Niger : Lawali Amadou revient sur le caractère innovant du Round 1
Interview avec Lawali Amadou, chef du projet, Jama’a Jar (Round 1) au Niger qui a bien voulu répondre à quelques questions que nous lui avons posées. Dans cet échange, il revient sur le caractère innovant du projet, les changements apportés et les défis.
Pourriez-vous nous décrire ce qui fait l’innovation du projet financé par la subvention FONDEMSAN que vous mettez en œuvre ?
Dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet, le premier élément qui en fait l’innovation, c’est la construction de l’argumentaire. L’idée du projet était de construire un argumentaire pour déconstruire un certain nombre de mythes sur la natalité, la taille de la famille, le rôle des filles dans la famille et la conjugalité. Donc il était important d’avoir un argumentaire basé sur l’approche par le genre et l’approche par les droits.
Le deuxième élément a été la mise en place d’un comité conjoint qui implique l’ensemble des parties prenantes du projet, notamment les influenceur·euse·s, les champion·ne·s PF, les bénéficiaires, les l’équipe du projet et tous les autres acteur·trice·s qui interviennent sur le projet; contrairement à ce qui était fait d’habitude: travailler uniquement avec l’équipe de pilotage et quelques allié·e·s. Ce comité est pour nous un espace de débats lancés sur les questions liées à la natalité, la taille de la famille, le rôle des filles dans la famille et la conjugalité.
Le troisième élément a été la méthode participative à l’origine même de l’incubation du projet. Cette démarche a beaucoup favorisé la co-création du projet avec les parties prenantes. D’habitude les projets sont élaborés par des comités restreints. Mais dans ce cas, on a eu un atelier participatif qui a pris en compte tout le monde. Même après l’atelier d’incubation, toutes les parties prenantes prenaient part à toutes les étapes de mise en œuvre du projet.
Le quatrième élément est l’action de mobilisation des influenceur·euse·s et des champion·ne·s PF en faisant appel à des récits de vie des artistes engagé·e·s qui produisent des œuvres. Œuvres que nous utilisons pour sensibiliser lors d’événements mobilisateurs.
Le cinquième élément est le fait que le projet s’appuie sur des champion·ne·s PF pour changer les mentalités, les perceptions des communautés sur la natalité, la taille de la famille, le rôle des filles dans la famille et la conjugalité. Depuis 2016, l’Alliance Droits et Santé travaille dans les localités où nous avons travaillé avec des décideur·euse·s locaux·les (maires, préfets) qui sont devenu·e·s des champion·nes locaux·les engagé·e·s sur la thématique en vue de changer les mentalités dans ces communautés.
Quels changements le projet a -t-il apportés à ce jour ?
Le projet a permis de constater de nombreux changements. Notamment sur le discours des parties prenantes et des religieux. Ces religieux impliqués arrivent à parler sans tabou de la santé sexuelle et reproductive des femmes et des adolescentes et filles. Et ce, à travers des débats qu’ils organisent dans les radios, des prêches dans les mosquées et même dans des écoles coraniques traditionnelles. C’est déjà un changement. Parce qu’au départ, les religieux n’avaient pas ce discours. Ils étaient très réticents par rapport aux DSSR.
Par la suite, comme changement, nous pouvons parler des leaders coutumiers qui eux aussi participent à la diffusion de l’argumentaire à travers des interviews qu’ils accordent aux médias, quand ils sont en contact avec leurs administrés. Souvent, quand ils vont en contact avec leurs administrés, ils diffusent les messages et l’argumentaire. Il faut noter qu’au départ les leaders coutumiers n’avaient pas la même perception, la même vision. Mais maintenant nous avons constaté un changement et ces gens participent efficacement à la diffusion des messages.
Aussi, il y a eu le fait que les femmes et les jeunes filles se sentent plus à l’aise pour parler de leur DSSR. Après l’intervention du projet, on se rend compte que les jeunes filles et femmes développent un discours plus critique sur ces normes sociales négatives.
Enfin, au niveau des autorités communales, après la mise en œuvre, on a remarqué des changements de discours au niveau des maires. Ils ont même pris des engagements.
Quels défis avez-vous rencontrés et quels conseils donneriez-vous aux OSCs qui aimeraient développer le même type de projet ?
Je dirais d’abord d’impliquer les différents acteurs depuis la conception jusqu’à la mise en œuvre pour pouvoir faciliter l’appropriation et atteindre le changement attendu. Quand les différentes parties prenantes sont associées depuis la conception jusqu’à la mise en œuvre, cela diminue les contradictions dans la mise en œuvre du projet.
Ensuite, c’est d’impliquer les acteur·trice· locaux·les, à savoir les influenceur·euse·s, les champion·ne·s pour parvenir à un consensus lors de l’élaboration de l’argumentaire.
Pour terminer, je dirais de créer des espaces de partage de bonnes pratiques entre les acteurs de changements qui sont les influenceur·euse·s et les champion·ne·s. Cela peut être des voyages d’études, des fora, des rencontres d’une même localité ou des localités différentes.
Un autre aspect, c’est aussi le renforcement de capacités des champion·ne·s par le biais de la formation pour en faire de véritables allié·e·s locaux·les.
Comment le dispositif d’accompagnement d’Equipop a permis de faire évoluer vos pratiques?
Dès le départ, il y avait un outil d’accompagnement technique qui définit les différents types d’appui que le consortium attend d’Equipop pour chaque activité planifiée. Cet outil est un outil très important dans la mise en œuvre de ce projet. A chaque étape, on savait de quel appui d’Equipop on avait besoin ; cela peut être un appui à la communication ou au développement organisationnel. Souvent même les appuis sont en présentiel, ou via zoom ou Skype.