Droits des femmes et élections européennes : retour sur l’évènement au CESE
Le 10 octobre 2023, Equipop était à l’évènement du CESE sur les enjeux liés aux droits des femmes à l’approche des prochaines élections européennes. Organisée par les présidentes des délégations aux droits des femmes et à l’égalité du CESE, de l’Assemblée nationale et du Sénat français, cette assemblée plénière est revenue sur l’importance de lutter contre les lobbys anti-choix. Dans le climat général de backlash, les intervenant·e·s ont mis en avant les enjeux principaux pour les élections de juin 2024 : unir les luttes féministes de l’UE, protéger les DSSR (Droits et santé sexuels et reproductifs) et renforcer la prévention et l’éducation.
Un constat unanime sur le contexte de backlash
Dans leur discours à trois voix, les présidentes des délégations aux droits des femmes des trois assemblées ont mis l’accent sur l’importance de ne pas considérer les droits des femmes comme la variable d’ajustement. Véronique Riotton, présidente de la délégation aux Droits des femmes de l’assemblée nationale, a rappelé la citation de Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ». Pour la sénatrice Dominique Verien, les élections européennes sont très importantes car elles permettent de faire le choix de quelle doit être la place des femmes au sein de notre modèle social. Agathe Hamel, pour le CESE, a rappelé que les membres de la société civile sont des témoins indispensables des multiples formes de violences dans la société et que « les droits des femmes sont un curseur de l’état d’une démocratie ».
Neil Datta, directeur exécutif du Forum parlementaire européen sur les droits sexuels et reproductifs (EPF), a insisté sur l’augmentation des financements des lobbys anti-droits. Le financement des campagnes anti-genre est passé de 80 millions à 120 millions par an entre 2018 et 2022. Dieynaba Diop, porte-parole du Parti Socialiste, pour le groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates, a quant à elle plaidé pour une coordination européenne pour lutter contre ces lobbys. Pour Sylvie Brunet, députée européenne (Modem) membre du groupe Renew Europe, il est nécessaire de les répertorier ainsi que de renforcer la transparence au sein des institutions européennes.
Ces analyses sont partagées par Equipop, qui a publié un rapport sur le Backlash en février 2023.
Mobiliser les femmes pour les élections de 2024 et unir les luttes féministes au sein de l’UE
Trois enjeux se sont dégagés des discussions, le premier étant la mobilisation des femmes et l’union des luttes féministes en Europe.
Les élections européennes de juin prochain posent un défi majeur : la participation des femmes. En effet, les femmes ont tendance à s’abstenir plus que les hommes, quel que soit le type d’élection. Agnès Hubert a rappelé que cela était d’autant plus vrai aux élections européennes. Lors des élections de 2019, les femmes représentaient 53% des abstentionnistes (source : parlement européen 2019).
Pour Aline Brüser, conseillère pour l’égalité de genre à la Confédération européenne des syndicats, il est important d’inclure les syndicats pour protéger les droits des femmes et unir les luttes au sein de l’Union européenne. Pour elle, “on est plus fortes si on a aussi l’appui des syndicats et de leurs représentants”. Noura Raad, militante féministe et co-présidente du réseau Européen des femmes migrantes, considère que l’Europe doit être l’espace où les droits des femmes peuvent évoluer et se réaffirmer. C’est également là qu’en tant que féministes, nous pouvons mettre en commun nos luttes. Selon elle, la représentation des femmes migrantes est fondamentale dans cette perspective.
Protéger les DSSR
Autre défi pour les élections de juin : la protection des droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR). Que ce soit la remise en cause du droit à l’avortement dans plusieurs pays européens ou l’augmentation du nombre de personnes en situations de précarité menstruelle (de 2 à 4 millions entre 2021 et 2023 en France, selon l’association Règles élémentaires), les DSSR sont mis à mal au sein de l’UE.
Actuellement la santé est une compétence d’appui, c’est-à-dire que les institutions européennes ne peuvent intervenir que pour « appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres » (Article 6 TFUE). Pour Nathalie Colin-Oesterle, du groupe du Parti populaire européen, il faut en faire une compétence partagée. Pour la député européenne, c’est par le biais de la santé publique que l’on arrivera à protéger les femmes, à les informer et à faire de la santé reproductive une question de santé publique.
Sylvie Brunet, du groupe Renew Europe, s’est positionnée en faveur de l’inscription des DSSR dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. De son côté, Pascale Martin, la députée LFI représentant le groupe de la Gauche, appelle de ses vœux l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution française.
Renforcer la prévention et l’éducation
Les participant·e·s ont mis en avant l’importance de renforcer les efforts de prévention et d’éducation aussi bien sur les questions de DSSR que de violences sexuelles et sexistes – une position partagée par Equipop. Nathalie Colin-Oesterle a illustré cet enjeu par une référence à une campagne sur le violentomètre, un outil de sensibilisation aux violences conjugales. La campagne avait mis en évidence le fait que les jeunes considèrent parfois comme “normales” des situations de grande violence. Renforcer l’éducation sur ces questions est donc un véritable enjeu tant au niveau français qu’européen. Pour Pascale Martin, les budgets de chaque pays dédiés à la lutte contre ces violences devraient être utilisés à des fins de prévention.
Des enjeux au coeur de l’action d’Equipop
Les enjeux évoqués au CESE rejoignent donc ceux identifiés par Equipop de son action en Europe et en Afrique de l’Ouest. Dans le cadre du débat public sur les prochaines élections, Equipop travaillera à faire vivre le débat dans différents espaces, tant au niveau français et qu’européen. Faire entendre les différentes voix féministes est indispensable dans l’absolu, mais d’autant plus dans le climat politique actuel.