– #CompterPourToutes : bilan de plusieurs mois de mobilisation contre les violences sexistes et sexuelles en Afrique de l’Ouest

– #CompterPourToutes : bilan de plusieurs mois de mobilisation contre les violences sexistes et sexuelles en Afrique de l’Ouest

Face à l’absence ou l’insuffisance criante de données sur les violences sexistes et sexuelles (VSS), des collectifs féministes d’Afrique de l’Ouest — au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Sénégal — ont lancé la campagne #CompterPourToutes. Objectif : demander l’inscription ou le renforcement d’une ligne budgétaire dédiée à la collecte de données quantitatives et qualitatives sur les VSS dans les lois de finances de ces pays. Retour sur plusieurs mois de mobilisation.

Pour combattre efficacement les violences sexistes et sexuelles (VSS), la collecte de données fiables et précises est un préalable indispensable. Ces informations permettent aux pouvoirs publics, aux associations, ainsi qu’aux professionnel·le·s de santé, de justice, de police et d’action sociale de concevoir des stratégies de prévention adaptées et des réponses concrètes aux besoins des survivantes. Pourtant, les militantes féministes en Afrique de l’Ouest constatent et déplorent le manque de données fiables sur les cas de VSS dans leurs pays. Face à ces constats faits par les militantes, en avril 2023, Equipop a organisé à Dakar un atelier de création d’une campagne de mobilisation sociale et politique féministe dans le cadre du projet “Jeunes Féministes en Afrique de l’Ouest”. Après plusieurs mois de préparation, la campagne a été lancée par plusieurs collectifs féministes début 2024, à travers plusieurs canaux : en ligne : via X, notamment avec le compte @CompterPrToutes, dans les médias : diffusion d’une tribune régionale signée par plus de 200 militant·e·s et expert·e·s et sur le terrain : via des activités de plaidoyer et des ateliers avec des journalistes et des décideur·euse·s politiques.

Impliquer les acteur·rice·s pour mieux comprendre les besoins

En amont de la campagne, des ateliers multiacteur·rice·s ont été organisés par les féministes dans chaque pays. Ils ont réuni des professionnel·le·s des secteurs clés (justice, police, santé, action sociale), des responsables politiques et institutionnels, des leaders religieux et des militant·e·s féministes.
Ces échanges ont permis d’identifier les défis liés au manque de données sur les VSS, de souligner les besoins spécifiques des acteurs·rices locaux·les et de renforcer la légitimité et l’impact des messages de la campagne.

 

“L’absence de données fiables entraîne des interventions mal ciblées et un mauvais usage des ressources, tout en nuisant à la collaboration entre les différents acteur·ice·s impliqué·e·s dans la chaîne de prise en charge.” – Mariata LAM – Point Focal Mauritanie

L’engagement des participant·e·s, y compris des autorités de haut niveau y compris les parlementaires, a fait montre d’un soutien institutionnel sur lequel nous avions pu compter tout le long de la campagne. – Brian Erudie SOSSOU – Point focal Bénin

Un levier médiatique puissant pour une cause féministe

Les médias ont joué un rôle central dans la campagne #CompterPourToutes. En plus d’accompagner les journalistes vers un traitement féministe des VSS, une tribune signée par plus de 200 militant·e·s a été publiée simultanément dans 25 médias nationaux et régionaux, marquant un fort coup d’envoi.
Avec plus de 40 médias impliqués (presse écrite, en ligne, TV, radio), la campagne a gagné en visibilité auprès du grand public et des décideur·euse·s. Des conférences de presse ont également renforcé cette dynamique dans chaque pays.

Les réseaux sociaux au cœur de la mobilisation

Sur Twitter, la campagne a enregistré une portée estimée à 400 000 pour les hashtags #JeComptePourToutes et #CompterPourToutes et plus de 300 publications utilisant ces hashtags pendant les 2 semaines d’animation digitale sur le compte @CompterPrToutes. 

 

“De nombreuses personnes nous ont contactés directement pour en savoir plus sur la campagne et s’informer sur les moyens de contribuer, ce qui témoigne d’un réel intérêt et d’une sensibilisation réussie.” – Brian Erudie SOSSOU – Point focal Bénin

 

La campagne a bénéficié d’un fort relais des mouvements féministes dans chaque pays, sur X (anciennement Twitter), Instagram, Facebook et Whatsapp. Dans certains pays, les féministes ont bénéficié du relais d’influenceur·euse·s locaux, tels que l’Association des blogueurs au Bénin. Cependant, des défis subsistent, notamment au Burkina Faso, où X reste peu utilisé. La campagne a également misé sur des contenus locaux comme des émissions de webTV au Sénégal ou des podcasts en Mauritanie, favorisant un engagement accru. Les partenariats avec des médias locaux et l’adaptation des formats aux contextes nationaux ont amplifié la portée des messages. Parmi les contenus les plus engageants : une vidéo co-construite par les militantes féministes porteuses de la campagne, les publications promouvant la tribune et les extrait des webTV nationales.

 

“Beaucoup d’utilisateur·rice·s ont exprimé leur soutien et leur gratitude pour la sensibilisation sur les Violences Sexistes et Sexuelles. Les professionnel·le·s des secteurs de la justice, de la santé, de la police et de l’action sociale ont salué l’initiative et certains ont partagé des témoignages de leur propre expérience.” – Fatou Warkha SAMBE – Point focal Sénégal

Un plaidoyer coordonné pour plus d’impact

La campagne #CompterPourToutes a permis des avancées dans plusieurs pays, démontrant l’efficacité d’un plaidoyer coordonné à l’échelle régionale tout en s’adaptant aux contextes nationaux.
Au Bénin par exemple, à l’occasion d’un événement de plaidoyer réunissant 58 participant·e·s de divers secteurs (OSC, parlementaires, ministères, médias), un tableau d’engagement a été signé, illustrant un soutien institutionnel fort. L’initiative a également suscité l’intérêt des parlementaires pour un séminaire visant à approfondir leur compréhension des enjeux de la campagne, en vue d’influencer la loi des finances de 2025. Au Mali, un événement du même type a permis de mettre en avant l’importance d’une ligne budgétaire dédiée à la collecte de données sur les VSS. Ce plaidoyer a aussi souligné la dimension sécuritaire de ces violences, notamment au Sahel, en insistant sur la nécessité de ressources spécifiques pour une réponse adaptée. En Côte d’Ivoire, des échanges avec le Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant ont débouché sur des propositions concrètes, telles que l’ajout de nouvelles typologies de violences (déni de ressources, violences conjugales) et l’implication des survivantes dans les projets qui leur sont destinés. Ces efforts s’inscrivent dans une volonté de réviser la stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (PNLVBG). Bien que des progrès aient été réalisés, des obstacles subsistent, comme au Niger, où le manque de soutien institutionnel, exacerbé par un contexte politique instable, a freiné les avancées. 

En quelques mois, #CompterPourToutes a démontré la force du plaidoyer féministe pour influencer les agendas politiques et sensibiliser les citoyen·ne·s. Les résultats obtenus, bien que prometteurs, mettent également en lumière la nécessité de poursuivre l’effort : grâce au projet Fonds Féministes en Action (FEA), une coalition d’associations féministes – composé des Ligues Ivoirienne, Béninoise et Nigérienne des droits des femmes – a lancé un deuxième volet de mobilisation autour du besoin de collecte de données sur les VSS. Un mouvement qui, nous l’espérons, trouvera d’autres échos, dotés de moyens aussi ambitieux que leur objectif : changer des mentalités, des rapports de pouvoir, des systèmes et des lois.