– Cercles de Parole en non mixité : outils féministes pour lutter contre les Violences Gynécologiques et Obstétricales au Sénégal
Les Violences Gynécologiques et Obstétricales (VGO) sont une réalité pour de nombreuses femmes sénégalaises. Ces actes, souvent perpétrés dans un climat de silence et d’impunité, ont des conséquences dévastatrices sur la santé physique et mentale des victimes. Pour faire face à ce fléau, des initiatives innovantes voient le jour, parmi lesquelles les Cercles de Parole se distinguent par leur approche unique et leur impact.
Nés du projet « Notre corps, notre santé » et portés par un consortium d’organisations engagées (Equipop, ANJ SR/PF, ROALJEF, GESTES, Enda Santé), les Cercles de Parole offrent aux femmes un espace sécurisé pour exprimer leurs expériences, souvent douloureuses, liées aux soins de santé reproductive. Ces espaces en non mixtes, animés par des facilitatrices formées, permettent aux participantes de briser le tabou et de se libérer de la culpabilité , souvent induite par un système patriarcal qui impose des normes strictes en matière de sexualité et de reproduction.
Les Cercles de Paroles (CP) co-facilités, sur le district de Diamniadio, par les organisations de jeunesses ANJ SR/PF et ROALJEF Sénégal se situent à la frontière de l’intime et du collectif et permettent la circulation de récits intimes
L’expérience de partage en collectif permet aux femmes et jeunes filles de briser des tabous en parlant librement de menstruations, d’accouchement, de sexualité et sensualité pendant la ménopause, d’addictions, de leurs expériences de soins, de violences sexistes et sexuelles et donc des VGO… C’est aussi un cadre propice à la construction d’ une sororité. “Le format intime des CP, cadre sécurisé, sous le sceau de la confidentialité, permet d’aborder une large palette de thématiques, ancrées dans les contextes locaux spécifiques, et qui fait pourtant écho aux vécues de femmes et de jeunes filles au-delà”. extrait de la charte de conduite des cercles
Les Cercles de Paroles en chiffres :
Grâce à cette démarche plusieurs cycles ont déjà été organisés :
- 4 cycles de parole en non mixité déjà organisés
- 16 groupes de profils très variés
- Chaque groupe compte en moyenne 15 personnes âgés de 17 à 80 ans
- Les thématiques des VGO et du continuum des violences sont abordées avec chaque groupe pendant 6 séances
La méthodologie part des propres expériences, des femmes/filles, facilitatrices sur des sujets intimes en utilisant le « je » pour parler de soi. Cela permet une mise en confiance plus rapide avec les participantes et d’effacer les clivages partenaire/bénéficiaire, experte/profane.
Grâce à cette démarche, de nombreuses femmes ont acquis une meilleure connaissance de leurs droits et ont appris à les faire valoir
“Participer au CP m’a permis de savoir que j’appartenais à un groupe et que je n’étais pas seule face à ma peur d’aller en structure de soins, je suis désormais plus outillée et confiante pour demander des soins car je sais que j’ai des droits” . Bénéficiaire des CP
Durant les séances, il y a aussi des dialogues intergénérationnels et thématiques (sexualité de la jeune fille et de la femme ménopausée…), où les participantes les animatrices ont dû s’adapter à l’utilisation de techniques locales comme le « djonguê, l’art de la séduction au Sénégal» pour transcender la barrière de l’âge et aussi compter sur l’appui de bajanu gox (marainne de quartier).
“La participation au cercle sur les menstrues m’a permis de revenir 20 ans en arrière au moment de mes premières règles et de comprendre que les plus jeunes vivaient encore les mêmes tabous.”Bajanu gox (marainne du quartier), facilitatrice cercle de parole avec les femmes pré-ménopausées et ménopausées.
Un impact sur les individus et la société
Au-delà de l’aspect individuel, les Cercles de Parole ont un impact significatif sur la société dans son ensemble. En donnant la parole aux femmes, ils contribuent à une prise de conscience collective et à une remise en question des normes sociales. De plus, les Cercles renforcent le sentiment de solidarité entre les femmes et favorisent l’émergence d’un mouvement féministe fort.
Au Sénégal, l’utilisation de cercles de parole comme outil féministe a permis de créer des espaces sécurisés où les femmes et les personnes minorisées peuvent parler librement de leurs expériences liées à la santé sexuelle et reproductive, souvent taboues. Cette méthodologie, évolutive et adaptée aux besoins spécifiques de chaque groupe, favorise l’empowerment individuel et collectif.
Vers un avenir sans violence
Les Cercles de Parole représentent une avancée majeure dans la lutte contre les VGO au Sénégal. En offrant un espace sécurisé aux femmes, ils contribuent à briser le silence et à faire émerger une nouvelle génération de militantes féministes.
Les CP se révèlent aussi être des espaces de transformation personnelle et collective. En donnant la parole aux femmes, ils démantèlent les tabous, renforcent l’autonomie, et favorisent la reconnaissance des violences subies.
Grâce à une méthodologie évolutive et à des dialogues intergénérationnels, ces cercles deviennent des outils puissants pour lutter contre les VGO et promouvoir des environnements respectueux des droits et des choix. En s’appuyant sur des partenariats inclusifs, les CP propagent une voix collective forte contre les violences patriarcales, guidant ainsi le chemin vers un monde d’égalité et de justice sociale.
Un projet financé par l’AFD- Agence Francaise de Développement