– Agentivité reproductive : retour sur la réunion d’expert·e·s de UNFPA à New York

– Agentivité reproductive : retour sur la réunion d’expert·e·s de UNFPA à New York

En cette année de CIPD+30, Equipop a été invitée par UNFPA à prendre part à la réunion du Groupe d’Expert·e·s pour faire le point sur les accomplissements en matière d’agentivité reproductive, affiner collectivement les indicateurs de mesures et planifier l’avenir en matière de DSSR. Equipop a proposé un élargissement de la méthodologie à une approche féministe intersectionnelle qui permet de prendre en compte le cycle de vie complet des filles et des femmes et d’effectuer un suivi du phénomène de “backlash” afin de mieux y répondre. 

Alors que se profile le dernier tiers de l’Agenda pour le développement durable 2030, et que l’on s’apprête à célébrer le trentième anniversaire de la CIPD (conférence sur la population et le développement du Caire, 1994), le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) s’interroge sur l’efficacité et le pouvoir de changement réel des indicateurs 5.6.1 et 5.6.2 de l’Objectif de Développement Durable (ODD) 5, dédié à l’autonomisation des filles et des femmes. Ils mesurent la cible 5.6, “Assurer l’accès de tous aux soins de santé sexuelle et procréative et faire en sorte que chacun puisse exercer ses droits en matière de procréation, ainsi qu’il a été décidé dans le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement et le Programme d’action de Beijing et les documents finals des conférences d’examen qui ont suivi”.

Le Sommet du Futur, qui se tiendra en Septembre 2024, représente une opportunité pour former un cadre normatif audacieux et ambitieux en faveur de l’égalité de genre et des DSSR. C’est également un espace où il faut lutter contre le “backlash” et les attaques menées contre les mouvements féministes.

Equipop, parmi une cinquantaine d’expert·e·s de la société civile, des milieux académique, gouvernemental et international, a pris part à la réunion du Groupe d’Expert·e·s, les 20 et 21 mars 2024 à New York. 

Indicateur 5.6.1 : Proportion de femmes âgées de 15 à 49 ans prenant, en connaissance de cause, leurs propres décisions concernant leurs relations sexuelles, l’utilisation de contraceptifs et les soins de santé procréative.
Indicateur 5.6.2 : Nombre de pays dotés de textes législatifs et réglementaires garantissant aux femmes et aux hommes de 15 ans ou plus un accès équitable et sans restriction aux soins de santé sexuelle et procréative, ainsi qu’à des informations et une éducation dans ce domaine.

Le groupe a analysé de près les indicateurs 5.6.1 et 5.6.2, qui sont sous la responsabilité de l’UNFPA. Le constat général a porté sur la limite des approches méthodologiques quantitatives, qui produisent des données qui n’impactent pas réellement la vie des premières concernées. A donc a été identifiée la nécessité d’impliquer les OSC, les jeunes et les féministes, afin de passer à une approche fondée sur la justice reproductive, qui inclurait les aspects qualitatifs et centrés sur la personne, pour à la fois prendre en compte les préférences, besoins et valeurs individuelles, ainsi que le contexte local, national et régional dans lequel des décisions en matière de DSSR sont prises (écosystème de mesure). 

Partage des conclusions du Symposium DSSR de Cotonou

Les principales contributions d’Equipop ont été apportées lors du Panel 4, intitulé « Perspectives de la Société Civile ».

Dans un premier temps, nous avons partagé des exemples d’initiatives (Symposium DSSR, Caravanes, #CompterPourToutes) qui visent entre autres à faire connaître les lois et régulations existantes en matière de DSSR, afin de les rendre plus accessibles et pour donner l’opportunité aux personnes marginalisées de s’exprimer et de se réapproprier leur corps. Les cercles de paroles et les espaces intergénérationnels, transnationaux, et intersectionnels co-créés par Equipop constituent une source importante de données qualitatives et mettent en lumière des sujets oubliés, tels que le plaisir féminin, la sexualité positive et enthousiaste, les violences gynécologiques et obstétricales, le racisme médical, et la ménopause. 

Ce premier point rejoint le défi majeur soulevé lors des échanges, qui concerne notamment l’indicateur 5.6.2 et insiste sur le fait que la plupart des pays disposent des textes législatifs et réglementaires nécessaires, mais que cela ne garantit en aucun cas leur mise en œuvre, ou encore un écosystème favorable aux DSSR. Notre attention devrait plutôt se tourner vers la prolifération de ces textes, afin de clarifier leurs interprétations et supprimer les obstacles qui empêchent une réelle mise en œuvre.  

 

Dans un deuxième temps, nous avons suggéré de prendre en compte le potentiel innovant des approches féministes intersectionnelles, holistiques et sensibles au genre, qui sont complémentaires aux méthodologies quantitatives et permettent d’aller au-delà des données chiffrées, pour prendre en considération les expériences et pratiques partagées par les premières concerné·e·s. 

 

Enfin, nous avons discuté de l’ajout d’un indicateur qui mesurerait l’utilisation, l’accessibilité et l’implémentation réelle des lois et régulations en matière des DSSR, ou encore d’un indicateur qui mesurerait la manière dont les filles et les femmes sont reçues au sein des établissements de santé.

Ce deuxième point fait écho au défi soulevé en lien avec l’indicateur 5.6.1, qui est fortement accès sur l’utilisation contraceptive des femmes mariées lors de leur âge de procréation et n’est donc pas suffisamment inclusif pour considérer les femmes dans leur cycle de vie complet, et les différentes orientations sexuelles et types de relations. Il a également été remarqué que l’indicateur 5.6.1 ne prend pas en compte la composante de satisfaction, ni l’environnement dans lequel une décision a été prise (socioculturel, économico-politique, relations de pouvoir, normes genrées).

 

Equipop a identifié comme défi majeur la montée du “backlash”, remise en question permanente des droits des filles et des femmes, ainsi que des minorités de genre. Par conséquent, nous avons proposé de prendre au sérieux l’idée d’un indicateur qui mesurerait le phénomène, idée qui a émergé lors des échanges et qui a souligné la nécessité de faire front commun contre les régressions.