– L’autodéfense féministe gynécologique, un outil de résistance collective contre les Violences Gynécologiques et Obstétricales

– L’autodéfense féministe gynécologique, un outil de résistance collective contre les Violences Gynécologiques et Obstétricales

Au Sénégal, les violences gynécologiques et obstétricales restent largement méconnues et banalisées, alors même qu’elles portent atteinte à la santé, à la dignité et aux droits fondamentaux des femmes et des filles. Encore peu reconnues comme des violences structurelles dans les politiques de santé, elles perpétuent les rapports de pouvoir et nourrissent les inégalités de genre.

Lors des cercles de parole organisés par le consortium VGO-Sénégal, dans le cadre du projet de lutte contre les VGO au Sénégal « Notre corps, notre santé », les participantes ont exprimé un besoin commun : mieux connaître leur corps et leurs droits, pouvoir se défendre face aux violences vécues dans les espaces de soins, et renforcer leur capacité d’action collective. 

De cette parole libérée et de cette aspiration commune, est née l’idée de créer des ateliers, conçus comme une réponse concrète, politique et collective aux violences gynécologiques et obstétricales.

L’autodéfense féministe  : un levier d’émancipation contre toutes les violences sexuelles et sexistes 

 

L’autodéfense féministe s’inscrit dans une démarche globale de lutte contre toutes les formes de violences sexuelles et sexistes – qu’elles soient physiques, verbales, psychologiques ou institutionnelles, et quel que soit le lieu de leur survenue (structures de soins, milieux académiques, professionnels, etc.). Elle reconnaît que les violences gynécologiques et obstétricales ne sont pas des faits isolés, mais s’intègrent dans un continuum de violences sexistes, ancrées dans des systèmes patriarcaux et médicalisés.

Ces systèmes légitiment les rapports de pouvoir dans les espaces de soin, invisibilisent les souffrances des femmes et imposent des normes oppressives sur leurs corps.

L’autodéfense féministe gynécologique, en tant que pratique politique et collective, déconstruit ces mécanismes de domination. Elle remet en question les normes sexistes, et permet à chaque femme, de se questionner sur les normes oppressives, de reprendre le contrôle de son corps, de sa parole et de sa capacité d’agir. 

Cette approche a également permis de mieux comprendre le pouvoir symbolique des soignant·es sur les usagèr·es des services de soins. Au-delà de la simple défense physique, elle engage un travail d’empouvoirement mental et verbal, fondé sur la sororité, la solidarité, la connaissance des droits et la résistance féministe.  C’est une invitation à renverser les rapports de force, à s’affirmer dans tous les espaces — y compris médicaux — et à construire une société où les droits des femmes sont réellement respectés.

Une méthodologie féministe et inclusive portée par une équipe d’expertes engagées 

 

Le dispositif d’autodéfense féministe gynécologique a été co-construit au sein du consortium avec une approche critique prenant en compte l’intersectionnalité des participantes ainsi que les expertises mobilisées. Cette première expérience a réuni 60 participantes âgées de 15 à 65 ans, réparties en quatre groupes.  Pendant 45 jours, elles ont suivi des séances combinant autodéfense psychologique, verbale et physique, conclues par une session collective finale.

Les ateliers psychologiques et verbaux, animés par Aminata Libain Mbengue, psychologue féministe, ont permis d’aborder l’affirmation de soi, la gestion des émotions, ainsi que la déconstruction des violences médicales et systémiques. 

Ces sessions ont également inclus des outils d’auto-soins et une meilleure connaissance du corps (auto-examen de la vulve, dépistage des cancers et infections sexuellement transmissibles, etc.). Elle a mis en lumière le lien entre violences sexistes et sexuelles (VSS) et violences gynécologiques et obstétricales (VGO), en proposant des outils pour les comprendre comme un continuum et y résister dans tous les espaces de vie.

Les sessions physiques ont été animées par Coache Marie, Coache Sadio, Coache Mame Diarra et Coache Adama, toutes championnes d’Afrique ou du monde en arts martiaux et engagées dans la transmission féministe du Vovinam. Les participantes ont appris des techniques de dégagement, de frappes, de défenses contre les saisies, ainsi que l’usage d’objets du quotidien. La gestion du stress, de la peur, des réactions émotionnelles et les premiers secours ont également été abordés, dans un cadre inclusif et bienveillant.

Les participantes ont expérimenté des mises en situation réalistes… d’intégrer ces techniques dans un cadre inclusif et bienveillant. Une attention particulière a été portée à la mixité choisie, permettant à chaque femme de s’approprier les outils à son rythme, dans un environnement sécurisé et non-jugeant.   

La complémentarité entre les dimensions mentale, verbale et physique, portée par une équipe pluridisciplinaire engagée, a permis un accompagnement global. Elle a renforcé l’empouvoirement individuel et collectif des participantes.

Les participantes ont ainsi pu développer des stratégies concrètes pour affirmer leurs droits, se défendre face aux violences, et construire des réseaux de solidarité féministe.

 Au-delà de l’empouvoirement individuel, ce dispositif a contribué à la construction d’une culture de la résistance partagée, favorisant la transmission intergénérationnelle et la pérennisation d’un pouvoir collectif durable.

Se défendre, mais surtout ne plus être seule

 

Les témoignages des participantes illustrent une transformation profonde.

«  Je me sens plus forte. Je sais que je peux me défendre, mais surtout, je ne suis plus seule.» Mariama, mère de famille à Rufisque

 

« C’est la première fois que je parle de ce que j’ai vécu à l’hôpital. Maintenant je sais que c’était de la violence. » Fatou, jeune fille à Bargny

 

Ces paroles sont politiques. Elles témoignent de la naissance d’une conscience collective, d’une capacité à nommer les violences et à affirmer ses droits.

 Plusieurs femmes souhaitent désormais transmettre ce qu’elles ont appris, en devenant des ambassadrices communautaires de l’autodéfense féministe gynécologique.

« Ce sont les participantes elles-mêmes, qui, en s’appropriant les outils, deviennent des actrices du changement dans leurs quartiers. Elles renforcent une dynamique de solidarité locale et de transformation sociale portée par les premières concernées » Aminata Libain Mbengue, Psychologue, féministe. 

 

Vers une justice reproductive portée par les premières concernées

 

Cette première phase pilote ouvre la voie à une extension du dispositif dans d’autres régions . Elle nourrit une dynamique de plaidoyer féministe portée par l’expertise vécue des femmes, pour exiger des soins respectueux, accessibles et alignés avec les droits humains.

En s’appuyant sur l’autodéfense féministe gynécologique, les femmes construisent une culture de la résistance : elles ne subissent plus, elles ripostent, elles s’unissent, elles agissent. 

Ce projet s’inscrit dans une vision plus large de justice reproductive et sociale, où les savoirs, les corps et les voix des femmes sont au cœur du changement.

 

Avec le soutien de l’Agence Française de Développement (AFD)