CSW69 : repenser l’avenir des agendas “Paix et sécurité” avec les actrices concernées

CSW69 : repenser l’avenir des agendas “Paix et sécurité” avec les actrices concernées

Equipop a participé à la 69 session de la Commission sur le statut des femmes des Nations Unies (CSW69) qui s’est déroulée du 10 au 21 mars 2025 à New York. Un moment emblématique pendant lequel les féministes n’ont pas manqué de faire entendre leurs voix. La CSW69 a également été une opportunité pour Equipop de co-organiser un événement parallèle le 17 mars sur le thème : “Investir dans le leadership des jeunes femmes : une voie vers la paix et la sécurité en Afrique”.

 

Impossible d’ignorer le backlash qui se produit actuellement contre les droits des femmes, à toutes les échelles. Mais les féministes ne lâchent rien. À la 69ᵉ session de la Commission sur le statut des femmes des Nations Unies, elles ont rappelé que les reculs ne sont pas une option. Cette 69ᵉ session était un moment stratégique : elle a permis de faire le point sur la Déclaration et le Programme d’action de Pékin, qui fête ses 30 ans en septembre. Un bilan nécessaire, entre avancées réelles et résistances persistantes.

 

2025 marque aussi des anniversaires majeurs pour les agendas onusiens Paix et Sécurité : le 25ᵉ anniversaire de la résolution 1325 (Femmes, Paix et Sécurité) le 31 octobre, et le 10ᵉ anniversaire de la résolution 2250 (Jeunesse, Paix et Sécurité) le 9 décembre. Autant de dates qui doivent servir de leviers pour exiger une mise en œuvre ambitieuse et transformatrice.

 

C’est dans cette dynamique qu’Equipop a co-organisé, le 17 mars, un événement parallèle intitulé “Investir dans le leadership des jeunes femmes : une voie vers la paix et la sécurité en Afrique”. L’objectif : amplifier les voix de plusieurs jeunes femmes leaders**, mettre en lumière leurs initiatives sur le terrain qui font avancer ces agendas et discuter des défis et opportunités pour leur inclusion réelle dans les politiques de paix et de sécurité. Le panel a réuni des organisations féministes telles que Sisters 4 Peace Uganda, Jeunes Femmes Leaders pour la Paix, Salama Peace Institut Chad, Coalition canadienne sur l’agenda JPS, Women Lead Africa. …. 

Revenons sur ces échanges avec Simone Mbodé Diouf, Jeune Ambassadrice pour la Paix de l’Union Africaine, à l’initiative de l’événement.

 

Les jeunes femmes au cœur de la paix et de la sécurité : pourquoi rapprocher les agendas FPS et JPS ?

 

Les conflits ne touchent pas les femmes et les jeunes de la même manière que le reste de la population. Pourtant, ces deux catégories restent largement sous-représentées dans les négociations de paix et les processus décisionnels. Et au sein même de ces groupes, les jeunes femmes font face à une double exclusion : trop jeunes pour être considérées dans les politiques de genre, trop âgées pour être pleinement intégrées aux initiatives jeunesse.

 

Le rapprochement des agendas FPS et JPS est essentiel pour une approche intersectionnelle et inclusive,” explique Simone Mbodé Diouf. “Les jeunes femmes subissent une double exclusion en raison de leur âge et de leur genre. Pourtant, leur inclusion n’est pas une option, mais une condition sine qua non pour une paix durable.”

 

Elle souligne que ce rapprochement permettrait de mieux reconnaître les réalités spécifiques des jeunes femmes, qui, bien que souvent en première ligne des crises, sont rarement prises en compte dans la mise en œuvre des politiques publiques. “Elles apportent des perspectives innovantes qui sont ignorées dans les espaces traditionnels de gouvernance. Par exemple, elles peuvent proposer des solutions adaptées aux changements climatiques ou aux violences basées sur le genre, en s’appuyant sur leur connaissance fine des réalités locales.

Investir davantage dans les jeunes femmes comme actrices des processus de paix ?

 

Si les jeunes femmes ont prouvé leur rôle clé dans la médiation et la prévention des conflits, elles peinent encore à obtenir une reconnaissance et des ressources à la hauteur de leur engagement. “Investir dans les jeunes femmes, c’est investir dans des solutions transformatrices et innovantes, ancrées dans les réalités locales,” insiste Simone Mbodé Diouf. 

 

Au-delà des dynamiques institutionnelles militaires, elle plaide pour un accès direct aux financements pour les initiatives portées par des jeunes femmes, aujourd’hui largement sous-dotées. “Trop souvent, l’argent est capté par de grandes organisations, tandis que celles qui travaillent au quotidien sur le terrain n’ont pas les moyens d’agir à grande échelle.”

 

Mais l’investissement ne doit pas se limiter aux financements. “Il faut aussi leur garantir un accès réel aux espaces de décision. Il faut former les jeunes femmes sur le leadership à travers des mentorats et des partenariats équitables et gagnants, tout en assurant leur accès aux sphères où se prennent les décisions..

Faire vivre les agendas FPS et JPS sur le terrain

 

Un des défis majeurs de ces agendas est leur appropriation au niveau local et communautaire, loin des cercles institutionnels et élitistes des capitales et de leur Plan d’Action Nationaux (PAN). Pour éviter qu’ils ne restent de simples cadres théoriques, Simone Mbodé Diouf préconise de s’appuyer sur des dynamiques communautaires déjà existantes.

 

Dans certaines provinces du Nord et du Sud-Kivu en RDC, des jeunes femmes ont utilisé le théâtre forum pour sensibiliser aux questions de participation et de protection. En utilisant les langues locales et des formats accessibles, elles ont réussi là où des campagnes institutionnelles échouaient.”

 

Elle insiste aussi sur l’implication des leaders traditionnels et religieux, souvent perçus comme des obstacles alors qu’ils peuvent devenir des alliés stratégiques. “Plutôt que de les considérer comme des freins, il faut les inclure dès le départ pour qu’ils portent ces messages au sein de leurs communautés.”

Quelles stratégies face à l’aggravation du contexte sécuritaire en Afrique ?

 

Alors que les conflits s’intensifient sur le continent, la nécessité d’une mise en œuvre effective des agendas FPS et JPS se fait plus pressante. Simone Mbodé Diouf identifie plusieurs priorités, ressorties des discussions du 17 mars :

  • Renforcer les mécanismes de protection pour les jeunes femmes dans les conflits, en garantissant leur accès à la justice et aux services de base.
  • Assurer des financements dédiés aux initiatives locales menées par des jeunes femmes, notamment dans les réseaux de médiatrices communautaires.
  • Intégrer un quota minimal de jeunes femmes dans les processus de paix et instances de prise de décision. “30% de jeunes femmes dans les médiations ne devrait plus être un objectif lointain, mais une réalité.”
  • Soutenir une meilleure collaboration avec les institutions régionales comme l’Union Africaine et la CEDEAO pour harmoniser les politiques, faire davantage la promotion des instruments juridiques pertinents à l’instar du cadre continental JPS et soutenir les initiatives existantes.

 

2025 : de la reconnaissance à l’action

 

Les jeunes femmes ne demandent pas d’être intégrées aux processus de paix et de sécurité, elles y participent déjà activement. Mais sans ressources, sans accès aux espaces décisionnels, et sans reconnaissance, leur impact reste limité.

 

On ne peut plus se contenter de discours,” conclut Simone Mbodé Diouf. “On a besoin d’actions concrètes, de financements accessibles, et d’un réel engagement des institutions. Les jeunes femmes ne sont pas des bénéficiaires des politiques de paix, elles en sont les architectes. Il est temps de les reconnaître comme telles.”

 

Avec les anniversaires des résolutions 1325 et 2250, 2025 doit marquer un tournant : celui d’une réelle inclusion des jeunes femmes dans la construction de la paix.

 A propos des panélistes :

Simone Mbodé Diouf, Jeune Ambassadrice pour la Paix de l’Union Africaine, cofondatrice de l’Association pour la Promotion du Leadership des Jeunes Filles au Sénégal (APELJFF)

Nakabira Nashiba, cofondatrice et directrice exécutive de Sisters 4 Peace Uganda et jeune ambassadrice de l’Union africaine pour la paix, Afrique de l’Est

Esther Atosha, jeune leader dynamique et défenseure de la paix, Coordinatrice des Jeunes Femmes Leaders pour la Paix, Sud Kivu, République Démocratique du Congo

Josiane Djikoloum Darwato, cofondatrice de Salama Peace Institut Chad et coprésidente du Wise Youth Network

Katrina Leclerc, candidate au doctorat sur les synergies entre l’agenda FPS et JPS, cofondatrice et conseillère de la Coalition canadienne sur l’agenda JPS.

Mpule Kgetsi, cofondatrice et directrice exécutive de Women Lead Africa et jeune ambassadrice de l’Union africaine pour la paix, Afrique australe