Au Sénégal, renforcer le dialogue entre jeunes, autorités politiques et professionnel·le·s engagé·e·s : retour sur la table ronde du projet SANSAS

Au Sénégal, renforcer le dialogue entre jeunes, autorités politiques et professionnel·le·s engagé·e·s : retour sur la table ronde du projet SANSAS

Une journée de table ronde organisée fin janvier 2025 pour partager des enseignements clés sur l’amélioration des services de santé sexuelle et reproductive destinés aux adolescent·e·s et jeunes au Sénégal. Ce moment d’échange a réuni des jeunes, des professionnel·le·s de santé, des représentant·e·s d’institutions publiques et des partenaires techniques et financiers, avec l’ambition commune de croiser les savoirs et d’identifier des leviers d’action concrets.

Faire dialoguer différentes formes de savoirs pour des alliances collectives

Le transfert de connaissances est un élément central du projet SANSAS. Il vise à systématiser, diffuser et favoriser l’appropriation des enseignements du projet. Dans un contexte où les DSSR sont fragilisés partout dans le monde par la montée des mouvements anti-droits, il est essentiel de structurer un plaidoyer collectif et d’assurer un dialogue continu entre les différentes parties prenantes. L’échange entre savoirs académiques, savoirs expérientiels issus des travaux des ONG et des jeunes, et expertise institutionnelle, permet d’identifier des solutions innovantes et adaptées aux réalités locales.

 

Comme l’a rappelé Abdoulaye Wade, Chargé de mission Lien Social et Partenariat (OSC – Coopération décentralisée – Genre – Sport) à l’AFD de Dakar : 

 

“L’exercice auquel nous convie le projet aujourd’hui est celui d’un retour réflexif sur les pratiques, les représentations sociales, l’empowerment des jeunes. Il met en lumière le fait qu’une démarche novatrice, sous-tendue par un travail étroit avec les partenaires institutionnels et communautaires, est porteuse d’enseignements sur le rôle des professionnels de santé et des jeunes dans l’amélioration de l’accès aux DSSRAJ.”

 

Dans ce cadre, la démocratisation des savoirs et le renforcement de la voix des jeunes étaient au cœur des échanges. L’enjeu est de considérer les jeunes comme des acteurs et actrices clé·e·s, et non plus comme de simples bénéficiaires des services de droits et santé sexuels et reproductifs.

 

Comme l’a souligné Sarah Memmi Machado, référente formation et DSSR, chargée du projet SANSAS chez Equipop :

 

« Pour rendre effectif le dialogue sur l’accès aux soins, il est nécessaire de reconnaître que les jeunes ont un savoir réel à partager sur ce sujet. Leurs connaissances de leurs propres besoins et des obstacles à l’exercice de leurs droits sont précieuses pour améliorer les services. »

 

La table ronde a été l’occasion de présenter des notes politiques résumant les enseignements du projet, et d’alimenter le plaidoyer pour un accès élargi aux services de droits et santé sexuels et reproductifs. Un dialogue essentiel dans un contexte où les DSSR restent un enjeu crucial pour l’égalité des genres et la santé publique.

Perspectives et pistes d’actions pour améliorer les services 

Des ateliers pour lever les barrières liées aux représentations et attitudes des professionnel·le·s de santé

Au Sénégal, bien que des progrès significatifs aient été réalisés, les adolescent·e·s et les jeunes continuent de rencontrer de nombreux obstacles pour accéder à des soins et à des conseils de qualité en matière de santé sexuelle et reproductive. Parmi ces obstacles figurent les préjugés et les jugements de valeur liés à leur sexualité, ainsi que les attitudes discriminatoires qui en découlent chez certain·e·s professionnel·le·s de santé. Ces dynamiques contribuent à limiter le recours des adolescent·e·s et jeunes aux services de santé.



Face à ces défis, des discussions ont eu lieu rappelant qu’il est crucial d’enrichir les formations cliniques par des interventions qui prennent en compte les facteurs individuels, situationnels et sociaux à l’origine des biais de certain·e·s prestataires. En ce sens, l’une des priorités identifiées lors de cette journée concerne la formation et l’accompagnement des professionnel·le·s de santé. Plusieurs études ont montré que les attitudes et représentations sociales des prestataires de soins peuvent constituer un frein à l’accès des jeunes aux services de DSSR.

 

Comme l’a souligné une sage-femme de Mbour engagée dans le projet SANSAS:

 

« Au début, j’étais réticente face à certaines formations, mais elles m’ont permis de mieux comprendre les besoins des adolescent·e·s et de changer ma posture professionnelle. »

 

Ces accompagnements présentent d’autres avantages tels qu’un dialogue accru entre prestataire de santé et usager·e·s et un rapport de pouvoir entre elleux, comme l’a rappelé Ibrahima Baldé, jeune leader de SANSAS. 

Répondre aux besoins de santé des très jeunes adolescent·e·s : une nécessité pour des services inclusifs 

Au Sénégal, les très jeunes adolescent·e·s (10-14 ans) constituent une tranche d’âge clée, mais restent souvent en marge des politiques et programmes de santé sexuelle et reproductive. Cette période de transformation est déterminante pour l’acquisition de connaissances et de comportements favorables à leur santé. Pourtant, des tabous persistants autour de la sexualité entravent leur accès à des informations et services adaptés, les exposant ainsi à des risques accrus de violences sexuelles, de mariages précoces et de grossesses non désirées.

 

Wasso Tounkara, militante féministe et présidente de l’association Senegal Actions Féministes (SENAF) a rappelé :

 

« Il est urgent de déconstruire les tabous et les stéréotypes de genre qui entourent la sexualité des très jeunes adolescent·e·s. Trop souvent, ces jeunes sont privé·e·s d’informations essentielles sous prétexte qu’ils·elles sont ‘trop jeunes’ pour en parler. Pourtant, nous savons que l’ignorance et le silence ne les protègent pas, bien au contraire. Il est impératif d’adopter une approche intersectionnelle et transformatrice qui reconnaît les inégalités de pouvoir auxquelles sont confrontées les jeunes filles en particulier, et de leur fournir les moyens d’accéder à des services sécurisés et inclusifs. »

 

L’école primaire, où une majorité des 10-14 ans sont scolarisés, représente une opportunité stratégique pour intégrer une éducation à la santé reproductive (ESR). Cependant, un écart persiste entre les politiques qui encouragent cette éducation et leur mise en œuvre effective, laissant de nombreux élèves sans accès à des informations essentielles. Par ailleurs, les normes de genre inéquitables et les déséquilibres de pouvoir compromettent davantage la prise en compte de leurs besoins spécifiques.

L’empouvoirement des jeunes : une approche transformatrice au service de la démocratie en santé

Les jeunes sont souvent sous-représenté·e·s dans les décisions qui les concernent, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive. Les normes sociales traditionnelles peuvent les empêcher de s’exprimer et d’accéder aux services dont elles et ils ont besoin. Comment répondre de manière pertinente à leurs besoins ? Comment renforcer la citoyenneté et l’engagement des jeunes ? C’est les questions qui ont été soulevées à la fin de cette journée de table ronde. 

 

Il est essentiel d’interroger la place des jeunes dans les initiatives. Leur donner un rôle central permet de développer des interventions qui les engagent activement dans la conception des services de santé. Ce processus de co-construction leur permet non seulement d’accéder à ces services, mais aussi de les améliorer et d’être des acteur·ice·s du changement, ce que Soukeyna Ouedraogo experte évaluatrice DSSR, approches jeunes, démocratie en santé, a pu rappeler lors des échanges : 

 

« L’empouvoirement des jeunes, ce n’est pas juste leur donner la parole, c’est leur donner les outils et l’espace pour construire leur propre argumentaire et peser dans les débats. Aujourd’hui, nous voyons des jeunes capables de prendre la parole devant des autorités, d’incarner le changement et de mener des actions concrètes dans leurs communautés. »

 

Cette approche s’inscrit dans une démarche de démocratie en santé. Dans les projets, les jeunes ne sont plus de simples bénéficiaires, mais des co-créateurs et co-créatrices des solutions qui répondent à leurs besoins spécifiques. Cette démarche d’empouvoirement contribue également à transformer les normes sociales. En renforçant l’égalité et l’autonomie des jeunes, on cherche à faire évoluer les perceptions autour de la santé reproductive et à promouvoir une culture d’égalité entre les sexes.

 

Plusieurs intervenant·e·s ont pu rappeler que l’un des acquis majeurs du projet SANSAS, c’est l’empouvoirement des jeunes, pré-requis nécessaire pour porter des plaidoyers et s’engager en tant que citoyen·ne·s.

Des recommandations pour l’avenir

Les discussions ont permis de faire émerger plusieurs recommandations clés pour garantir un meilleur accès aux services de santé sexuelle et reproductive des adolescent·e·s et jeunes, parmi lesquelles : 

 

  • Renforcer la formation continue des professionnel·le·s de santé pour une prise en charge bienveillante et adaptée aux jeunes.
  • Interroger les normes et rapports de pouvoir dans la conception et la mise en œuvre des politiques de DSSR, en impliquant activement les jeunes et en veillant à inclure une perspective intersectionnelle tenant compte des inégalités de genre, de classe et d’identité.
  • Adapter les services et outils d’information aux besoins des très jeunes adolescent·e·s, en tenant compte des spécificités de chaque tranche d’âge et en garantissant un accès confidentiel et sécurisé aux informations et soins.
  • Intégrer l’empouvoirement des jeunes comme une priorité structurelle, en assurant leur participation aux espaces de décision et en les accompagnant dans la co-création des stratégies de santé les concernant.
  • Promouvoir une approche communautaire et multisectorielle pour assurer une transformation durable des mentalités et pratiques autour des DSSR, en associant les familles, les écoles et les acteurs communautaires aux stratégies d’information et de sensibilisation.

 

Le projet SANSAS ouvre la voie à une meilleure prise en charge des DSSR des ados et jeunes au Sénégal, en plaçant leur voix et leurs besoins au centre des politiques publiques.

 

Maguette Dia, Coordinatrice Nationale Santé Reproductive, Responsable Bureau Information Éducation Communication (IEC) / Communication pour le Changement de Comportement (CCC), Direction de la Santé de la Mère et de l’enfant (DSME), a salué l’initiative de cette table-ronde SANSAS :

 

« La grande participation de la DSME à cet événement montre la volonté d’engagement du ministère sur ces sujets. Nous avons beaucoup aimé le format ! »

 

Maïmouna Ndoye,  Membre du Comité scientifique SANSAS, référente Genre et Approches féministes, a conclu la journée :

 

« Quelle expérience enrichissante ! Une chose est sûre, les résultats du projet SANSAS et, dans la foulée, les réflexions et perspectives qui sont sorties de ces tables rondes vont compter pour les prochaines années, dans le domaine de la santé des adolescent·e·s au Sénégal. »