– Violences Sexistes et Sexuelles : pour une éducation féministe des enfants et des adolescent·e·s ! – Sororités Francophones x Brisons le Silence
Comment permettre aux enfants et aux jeunes adultes d’identifier les violences ? Comment parler de genre et de sexualité en milieu hostile ? Les enjeux d’éducation populaire féministe, en particulier l’éducation à la sexualité, étaient au coeur de la conférence “Violences sexistes et sexuelles : pour une éducation féministe des enfants et adolescent·e·s !” organisée le 21 novembre dernier par Filactions et Equipop dans le cadre du festival lyonnais Brisons Le Silence et du cycle Sororités Francophones.
Kadiatou Konate, Amandine Yao, Céline Roussat et Lolita Rivé sont des activistes et professionnelles de la prévention qui luttent au quotidien contre les stéréotypes et outillent les jeunes contre les violences, en Guinée, en Côte d’Ivoire et en France. Elles formaient toutes les quatres le panel de cette table ronde, animée par Chanceline Mevowanou, militante féministe béninoise, et Aurélie Gal Regniez, directrice d’Equipop.
Les violences physiques, psychologiques, sexuelles et l’inceste touchent particulièrement les enfants et les jeunes. Souvent, ces dernier·es ignorent que ces actes sont interdits et pensent, à tort, qu’ils ou elles en sont responsables. Céline Roussat, intervenante pour l’association Solidarité Femmes Beaujolais, insiste sur l’importance de les informer : « Les enfants doivent savoir qu’ils ou elles ont des droits, qu’ils ou elles ne sont jamais coupables des violences subies. Informer, c’est leur donner la possibilité de se libérer. »
Les chiffres sont préoccupants : en France, environ 80 % des parents reconnaissent encore avoir recours à des violences éducatives ordinaires (VEO), selon une enquête menée par l’IFOP pour la Fondation pour l’Enfance. Cette réalité fait écho aux contextes ouest-africains, comme en Côte d’Ivoire où Amandine Yao, militante avec l’organisation Goutte Rouge dénonce la normalisation des violences par les enfants, leur entourage et la société.
« Ces violences sont souvent minimisées ou passées sous silence, surtout lorsqu’elles ont lieu au sein des familles. Notre rôle est de sensibiliser les enfants à leurs droits et de leur apprendre à parler, malgré les tabous. » – Amandine Yao
L’éducation sexuelle féministe : un levier puissant contre les violences
L’éducation sexuelle féministe repose sur la connaissance du corps, essentielle pour permettre aux enfants et aux jeunes de comprendre, faire respecter leurs limites et faire des choix éclairés. Elle repose également sur la compréhension du consentement, afin qu’ils ou elles puissent poser leurs propres frontières et reconnaître celles des autres. Aussi, elle permet de questionner les stéréotypes sexistes et de favoriser la compréhension des rapports de pouvoir, favorisant ainsi l’émancipation vis-à-vis des normes sexistes. Ces enseignements, donnés en milieu scolaire ou hors scolaire, doivent être adaptés à l’âge et dépasser la simple logique de prévention des risques : il s’agit de parler des violences, mais aussi d’empouvoirer les enfants et jeunes dans leur vie affective.
En Côte d’Ivoire, Amandine Yao travaille avec des jeunes en milieu scolaire. Elle utilise des outils adaptés à leur âge, comme des débats et des jeux de rôle, pour aborder des thèmes comme les violences sexuelles ou le mariage forcé. Ces approches permettent aux enfants de comprendre leurs droits tout en se sentant en sécurité. En France, Céline Roussat, via Solidarité Femmes Beaujolais, intervient auprès des enfants de 6 à 11 ans. Elle s’appuie sur des supports pédagogiques variés, comme des livres ou des jeux éducatifs.
« L’éducation sexuelle féministe doit être adaptée, ludique et progressive. C’est en posant les bases dès le plus jeune âge que nous pouvons prévenir les violences. » – Céline Roussat
Lolita Rivet, enseignante, intègre régulièrement des débats philosophiques dans ses cours pour aborder ces sujets : « Les enfants ont besoin d’un espace où ils ou elles peuvent poser des questions sans peur d’être jugé·es. Ces échanges leur permettent de développer un esprit critique et de mieux comprendre leurs propres droits. » Elle insiste sur l’importance d’une approche inclusive : « L’éducation sexuelle doit refléter la diversité des identités et des orientations sexuelles. Cela permet à chacun·e de se sentir représenté·e et respecté·e. »
Résistances et oppositions à l’éducation sexuelle féministe
L’éducation sexuelle féministe rencontre des résistances culturelles et institutionnelles. Ces freins sont amplifiés par des mouvements anti-droits bien organisés. Kadiatou Konaté, militante en Guinée avec le Club des jeunes filles leaders, dénonce cette normalisation des violences : « Ces groupes réactionnaires diffusent des messages dangereux qui maintiennent les jeunes filles dans la soumission. Il est crucial de contrer ces discours avec une éducation qui valorise les droits humains. »
En France, Céline Roussat souligne les résistances locales : « Certaines familles ou institutions voient dans l’éducation sexuelle un risque de « perversion ». Mais c’est en ne parlant pas de ces sujets que nous laissons les violences perdurer. » Pour autant, les intervenantes restent optimistes et déterminées à surmonter ces obstacles.
Pour un avenir sans violences sexistes et sexuelles
Pour garantir une éducation sexuelle féministe de qualité, les intervenantes ont proposé plusieurs pistes, notamment la formation des enseignant·es pour leur permettre d’aborder ces sujets avec assurance et pédagogie, l’implication des familles afin de lever les tabous et de favoriser un dialogue intergénérationnel, et la sensibilisation du grand public avec des campagnes nationales d’information et des outils adaptés. Amandine Yao a rappelé l’importance de la coopération internationale : « Le partage d’expériences entre pays est essentiel. Il nous permet de trouver des solutions adaptées à nos contextes respectifs. »
En écho, Lolita Rivet conclut sur une note d’espoir : « Le chemin est long, mais chaque étape compte. C’est ensemble, avec les enfants, les familles et les institutions, que nous parviendrons à changer les mentalités. » Loin d’être un simple outil pédagogique, l’éducation sexuelle féministe est une arme essentielle contre les violences sexistes et sexuelles. Elle constitue une étape cruciale pour bâtir une société où chaque enfant pourra grandir dans le respect de ses droits et de son intégrité.
« Investir dans cette éducation, c’est donner aux jeunes les moyens de se protéger et de devenir les acteur·rices d’un avenir égalitaire. » Kadiatou Konaté
Le moment est venu de lever les tabous et d’agir ensemble pour outiller les enfants et faire advenir une société plus juste.