-SF#7 – Violences en ligne: comment y faire face et s’organiser ?
La 7ᵉ édition du cycle de conférences Sororités Francophones a été l’occasion d’aborder le sujet des violences en ligne: comment y faire face et s’organiser ? Les intervenantes, venues de diverses zones géographiques francophones, ont partagé leurs expériences et réflexions sur les cyberviolences sexistes. Bintou Mariam Traoré, activiste ivoirienne et créatrice du #Vraiefemmeafricaine, Sarah Benmoussa, fondatrice du média féministe 7achak, et Diane Semerdjian, experte des liens entre violences en ligne et droits humains, ont mis en lumière les défis que rencontrent les femmes et particulièrement les militantes féministes dans le monde numérique.
Ce webinaire a permis d’explorer les dynamiques de pouvoir à l’œuvre dans les violences en ligne et de croiser les arguments des militantes pour mieux comprendre comment s’organiser et mettre en place des stratégies collectives pour y faire face.
Les violences en ligne : un enjeu majeur
Les violences en ligne prennent différentes formes (insultes, menaces, harcèlement, voire attaques sexuelles virtuelles). Elles touchent les femmes et particulièrement les militantes féministes, renforçant et amplifiant un schéma de domination patriarcale qui cherche à réduire leur présence dans les espaces publics numériques. Diane Semerdjian a rappelé que ces violences s’inscrivaient dans un continuum de violence patriarcale. Elle a expliqué que « le cybersexisme entraîne des cyberviolences sexistes et sexuelles, qui visent à faire sortir les femmes et les minorités de genre de l’espace d’expression sur Internet. »
Bintou Mariam Traoré a évoqué sa propre expérience avec le cyberharcèlement, ajoutant que ce dernier est une réalité omniprésente pour les militantes : « Le blocage des comptes agressifs est un acte de résistance, une forme d’affirmation de soi. C’est un droit des femmes de préserver leur espace numérique. » Bintou a insisté sur l’importance de ne pas réagir aux provocations pour ne pas donner plus d’importance aux agresseurs. Elle a également souligné que répondre aux attaques donne parfois davantage de pouvoir aux agresseurs, et que l’ignorance peut être une stratégie de protection.
Pourquoi les femmes sont-elles ciblées ?
Pour Bintou Mariam Traoré, l’espace numérique reste perçu comme un territoire masculin où les voix des femmes sont systématiquement remises en question. « Les attaques visent à nous faire croire que nous n’avons pas notre place ici ».
Sarah Benmoussa a complété en expliquant que les femmes devenaient souvent des cibles dès qu’elles s’expriment sur des sujets sensibles, notamment les droits humains ou la santé reproductive. Diane Semerdjian a conclu sur le fait que ces violences sont représentatives d’une culture patriarcale globale qui, en ligne comme hors ligne, cherche à contrôler et à faire taire les femmes. « La violence en ligne est une tentative d’intimidation qui vise à maintenir un statu quo ».
Résistances collectives et stratégies d’organisation
Face à cette hostilité, les intervenantes ont souligné l’importance de la solidarité et de la résilience collective. Elles partagent diverses stratégies pour faire face à ces cyberviolences. Sarah Benmoussa a évoqué l’importance de créer des réseaux de soutien entre féministes. « Nous avons un groupe de discussion où nous partageons nos expériences de harcèlement et nous nous soutenons mutuellement », a-t-elle précisé. Elle a également mentionné l’importance des pauses sur les réseaux sociaux pour préserver sa santé mentale. « Prendre du recul ne signifie pas désactiver son compte, mais plutôt se donner le temps de se ressourcer tout en restant connecté à notre communauté » Ce soutien collectif est essentiel pour documenter les incidents et construire un historique qui pourrait être utile dans le cadre juridique.
Diane Semerdjian, met l’accent sur la nécessité d’un cadre juridique solide pour protéger les victimes de cyberviolences. Elle mentionne le Digital Service Act en Europe comme une avancée potentielle pour réduire l’impunité des agresseurs. « Les plateformes sociales doivent prendre leurs responsabilités et mettre en place des mesures efficaces contre le harcèlement », a-t-elle ajouté.
La sensibilisation est cruciale pour lutter contre le cyberharcèlement. Diane Semerdjian a recommandé des ressources comme celles produites par l’association #StopFisha, qui fournit des informations sur la lutte contre le cybersexisme. Eduquer le public sur ces questions est essentiel pour réduire la stigmatisation et encourager les victimes à parler.
Un appel à l’action collective
Diane Semerdjian a plaidé pour une régulation plus stricte des contenus haineux sur les réseaux sociaux : « Les plateformes doivent prendre leurs responsabilités et agir contre le harcèlement en ligne. » Bintou Mariam Traoré a ajouté que les militantes devaient continuer à faire pression pour que les lois évoluent afin de mieux protéger les droits des femmes dans l’espace numérique.
Cette session du cycle Sororités Francophones a mis en lumière non seulement la réalité des cyberharcèlements, mais a aussi donné l’occasion d’échanger des idées et des stratégies mises en place par les féministes pour y faire face. Les témoignages de Sarah Benmoussa, Bintou Mariam Traoré et Diane Semerdjian illustrent la résilience et la solidarité au sein du mouvement féministe. Les intervenantes ont montré que, malgré les défis, il existe des moyens concrets de résister et de s’organiser collectivement.
Les luttes féministes doivent continuer à s’amplifier dans l’espace numérique, car chaque voix compte dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en ligne, afin de créer un environnement plus sûr pour toutes et tous sur Internet.