– Présidentielle 2022 : pour des politiques publiques féministes !
Equipop, et ses partenaires du Collectif Générations Féministes, diffusent, à partir de ce 8 mars, une lettre ouverte pour des politiques publiques féministes. Adressée aux candidat·e·s à la présidentielle, elle les appelle à faire de la lutte contre les inégalités un axe fort de leur campagne.
Mesdames, Messieurs,
Vous êtes candidat·e à la présidence de la République. Vous occupez le paysage médiatique et politique français ; vous vous positionnez sur des enjeux de société.
Parce qu’elles impactent chaque jour la vie des Français·e·s, les inégalités de genre doivent être au cœur du débat. Comment faites-vous de la lutte contre ces inégalités un axe fort de votre campagne ? Comment faites-vous exister les enjeux féministes dans le débat public, comment les intégrez-vous dans vos programmes ?
Sur-représentées dans les professions paramédicales, les femmes ont été en première ligne de la réponse à la crise COVID19 et particulièrement affectées par ses conséquences, tant sanitaires et sociales qu’économiques. Elles ont pourtant été largement absentes des médias, qui analysaient la crise, et des instances de décision chargées d’y répondre. De très nombreuses femmes ont assumé, en plus de leur emploi, la prise en charge des enfants pour faire face à la fermeture des crèches et des écoles, et celle des personnes âgées et malades. Dans un contexte de mesures sanitaires strictes et de précarisation économique, les violences sexistes et sexuelles ont encore augmenté.
La pandémie de COVID19 ne fait qu’exacerber des inégalités et des violences qui ont toujours existé dans nos sociétés. Chaque année en France, plus d’une centaine de femmes sont tuées par leur compagnon ou ex-compagnon. Ces chiffres ne baissent pas, et ce malgré les appels répétés et de longue date des mouvements féministes en faveur de politiques de prévention et de protection. Certaines femmes font face à plusieurs discriminations (liées au statut économique, au handicap, à la couleur de peau, à la confession religieuse, à l’orientation sexuelle, à l’âge…). C’est d’autant plus vrai durant cette campagne présidentielle où règne un climat raciste et xénophobe et où sont proférés des discours fielleux.
Cela doit changer. Les approches féministes, enrichies depuis des dizaines d’années par des mouvements divers et créatifs, sont les seules à même de déconstruire les rapports de pouvoir et les modèles de société qui entretiennent les inégalités et les violences basées sur le genre.
Voici cinq axes qui, selon le Collectif Générations Féministes, doivent irriguer les programmes politiques et se traduire concrètement dans l’action de la future présidente ou du futur président et de son gouvernement.
Nos associations sont disponibles pour échanger avec les candidat·e·s sur ces enjeux.
1. L’approche par les droits, boussole de toute action publique
Il n’existe pas de définition unique des politiques publiques féministes. Il y a cependant des critères communément admis, qui doivent constituer le socle de la réflexion et qui sont présentés tout au long de ce document.
Adopter une approche basée sur les droits est un prérequis. Ce sont ces droits, et leur plein exercice, qui doivent être la finalité de l’action publique. L’égalité de genre ne doit pas répondre à des logiques utilitaristes, comme c’est encore trop souvent le cas. Aborder cette question dans une perspective de rentabilité ou d’efficacité n’est par exemple pas pertinent.
2. Pas d’égalité de genre sans financements
Ensuite, il est indispensable d’augmenter les financements alloués aux politiques d’égalité de genre ainsi qu’aux associations féministes. Les pouvoirs publics ont su mobiliser des financements importants pour faire évoluer les comportements dans des secteurs comme la sécurité routière. Il doit en aller de même pour faire cesser les violences sexistes et sexuelles. Laisser penser que les approches féministes vont infuser dans la société sans financement, et compter sur un prétendu esprit sacrificiel et débrouillard des activistes, n’est plus une option. Notre collectif estime par exemple qu’il faut allouer au moins 0,1% du PIB à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Pour élaborer et piloter ces politiques publiques, le personnel administratif et politique de l’Etat doit être formé, et des ressources humaines additionnelles doivent être spécifiquement dédiées à l’égalité de genre sur le long terme.
3. Cohérence entre le positionnement politique et la mise en œuvre, en France et à l’international
Le fait de se déclarer « féministe », bien que politiquement indispensable, n’est pas suffisant. Il faut appliquer ce positionnement dans tous les domaines de l’action publique, sous peine de le vider de son sens.
Cela veut dire décliner les approches féministes de façon transversale dans l’ensemble des politiques publiques mises en œuvre en France, dans la santé, l’éducation, la culture, mais aussi la défense, l’économie, etc.
Sur le volet international, cela nécessite de mener une politique extérieure ambitieuse au service des combats féministes. Le Forum Génération Egalité organisé par la France en 2021 n’est pas une fin en soi. Il faut porter une voix forte dans les instances internationales et onusiennes, mais aussi faire de l’égalité de genre un élément à part entière des relations diplomatiques et des accords commerciaux, augmenter les crédits de l’aide publique au développement dédiés à l’égalité de genre, financer les réseaux féministes dans le monde et lutter contre les mouvements anti-choix. Une attention particulière doit être portée à la lutte contre les violences basées sur le genre et à la promotion des droits sexuels et reproductifs (droit à l’avortement, droit à la contraception, l’accès libre aux soins) dans un contexte où des politiques de plus en plus conservatrices se mettent en place dans le monde et restreignent le droit des femmes à disposer librement de leur corps.
4. Incarner les approches féministes : l’enjeu de la représentation
Les approches féministes doivent s’incarner dans la prise de décision politique. Dans le monde, hormis quelques exceptions qui confirment la règle, les femmes restent largement sous-représentées à tous les niveaux politiques, y compris au plus haut. Le pouvoir est aujourd’hui concentré entre les mains d’hommes et répond à des logiques virilistes et machistes. Cela affaiblit la démocratie, et a pour conséquence une faible prise en compte des enjeux de genre dans les politiques publiques de façon générale.
En un siècle et demi, la République Française a toujours été dirigée par des hommes. L’Assemblée nationale et le Sénat n’ont jamais eu de présidente et n’ont jamais été paritaires, malgré l’inscription de la parité dans la constitution il y a plus de vingt ans. Seulement 11,4 % des président·e·s de conseils communautaires, 19,8 % des maires, 20,2 % des président·e·s de conseils départementaux et 31,6 % des président·e·s de conseils régionaux sont des femmes.
Si des visions féministes ont commencé à faire leur chemin au sein de certains partis grâce à la mobilisation de femmes politiques, elles sont régulièrement reléguées au second plan à mesure que les échéances électorales approchent, ou instrumentalisées à des fins électoralistes.
Les hommes politiques peuvent porter des revendications féministes et être des alliés au sein de leurs mouvements, mais ce soutien doit aller de pair avec une remise en cause de l’entre-soi masculin qui caractérise la vie politique, comme l’ont souligné les initiatrices de #MeTooPolitique. Les partis doivent mener des politiques volontaristes en la matière, nommer des candidates en position de gagner et, par la suite, former des gouvernements paritaires et nommer des femmes aux postes à responsabilité dans les institutions publiques.
5. Co-construire avec les associations et les activistes féministes
Les politiques publiques féministes doivent être co-construites avec les personnes concernées. Un dialogue permanent doit être entretenu avec les associations féministes dans toute leur diversité, qu’elles se mobilisent contre les discriminations raciales ou religieuses, envers les personnes LGBTQIA+, les personnes en situation de handicap, ou les personnes migrantes.
La pandémie de COVID19 a rappelé les limites des politiques publiques de santé descendantes et la nécessité d’impliquer les organisations de la société civile.