Promouvoir l’abandon des mutilations sexuelles féminines par-delà les frontières

Tribune par Aurélie Hamelin Desrumaux
dans le Huffington Post

le 5 février 2016

Le 6 février est la journée internationale contre les mutilations sexuelles féminines (MSF), qui sont à la fois une violation majeure des droits humains et un problème de santé publique. Au sein d’Equilibres & Populations, organisation pour laquelle je suis chargée de projets, nous souhaitons rappeler que promouvoir l’abandon durable des MSF est aussi une porte d’entrée pour faire progresser l’égalité femmes-hommes en général. Pour cela, toutes les énergies sont requises par-delà les frontières.

 

Une pratique répandue
Tout d’abord, qu’entend-on exactement par MSF ? Elles sont l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins. Elles sont pratiquées sous différentes formes allant de l’ablation du clitoris à l’infibulation (suture des organes génitaux externes ne laissant qu’un faible espace pour le passage des urines et des menstrues). Elles peuvent entraîner des conséquences irréversibles (médicales, sociales, psychologiques) et des souffrances importantes pour les femmes et les filles mais aussi pour leurs enfants. Les MSF sont une atteinte aux droits fondamentaux de la personne, en particulier à l’intégrité physique et psychologique et à la santé. Ces violences sont enracinées dans les inégalités historiques entre les femmes et les hommes.

 

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Ensuite, quelle est la situation à l’heure actuelle ? A l’échelle mondiale, on estime que 130 millions de femmes et de filles ont subi une MSF. Au Mali, où nous intervenons depuis plus de dix ans, les MSF concernent 85% des femmes. A travers le monde, chaque année, les MSF touchent 3 millions de filles supplémentaires.

 

 

 

 

 

Eliminer les MSF à l’horizon 2030

A l’horizon 2030, les Etats des Nations unies se sont engagés à éliminer la pratique des MSF. L’approche est complémentaire de la lutte contre d’autres « pratiques préjudiciables » pour « parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles », objectif 5 du nouveau cadre de développement.
Ces objectifs de développement durable, adoptés en septembre 2015 à New York, sont pour la première fois universels, même si des disparités importantes existent selon les pays et les sujets concernés. Les MSF, précisément, ne connaissent pas de frontière et nécessitent une action coordonnée pour promouvoir leur abandon durable.

 

Construire des ponts pour faire reculer les MSF

Décréter l’abandon de l’excision n’est pas suffisant. Comme tout changement social, des actions d’information et de mobilisation doivent l’accompagner. C’est pourquoi depuis plusieurs années, nous favorisons le dialogue social pour l’abandon des MSF à la fois dans le district sanitaire de Kayes, au nord-ouest du Mali, et dans la région parisienne, auprès de la diaspora malienne. A Kayes, le projet « Protéger la prochaine génération » que je coordonne a pour objectif de changer durablement les pratiques, pour que « ne pas être excisée » devienne la norme. En quelques années, sur 100 villages ciblés, 96 ont officiellement déclaré leur volonté d’abandonner la pratique, et l’on constate une diminution effective. Promouvoir l’abandon des MSF permet également d’améliorer plus largement le statut des femmes et des filles. Ainsi à Kayes, l’abandon des MSF s’accompagne souvent de l’abandon des mariages précoces.
Dans ce processus, le rôle des Maliens et Maliennes vivant en France s’avère primordial. La parole de la diaspora étant très écoutée dans les villages, tout changement au Mali sort renforcé lorsque la diaspora y est associée et le soutient. Notre association collabore ainsi avec les associations de migrantes depuis 2009.

 

Plus de moyens pour plus d’échanges et de collaborations

Aujourd’hui, nous appelons les pouvoirs publics français et européens à soutenir plus intensément les actions coordonnées pour lutter contre les MSF. Si l’on veut réellement éliminer les MSF à l’échelle d’une courte génération, et plus largement améliorer le statut des femmes et des filles, alors il est indispensable d’investir tout de suite pour faciliter et multiplier les échanges de bonnes expériences et les collaborations par-delà les frontières.
A travers le projet « Protéger la Prochaine Génération » et le réseau « End FGM European Network », Equilibres & Populations prend déjà part à cette démarche, en contribuant à intégrer les populations migrantes de plusieurs pays européens à la promotion de l’abandon des MSF en Afrique. A l’heure où les questions migratoires marquent fortement le débat, rappelons-nous qu’il y a aussi, en matière de lutte contre les MSF et plus largement de promotion de l’égalité femmes-hommes, de grands enjeux pour l’Union européenne, ses institutions et sa société civile.

 

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