Féministes en Action : l’importance de soutenir financièrement les organisations féministes

Féministes en Action : l’importance de soutenir financièrement les organisations féministes

Lancé début 2022, le projet Féministes en Action (FEA) a été porté par CARE France, Equipop, Oxfam France, le Fonds pour les Femmes en Méditerranée (FFMed), le Fonds pour les Femmes Francophones (XOESE) et l’Initiative Pananetugri pour le Bien-être des Femmes (IPBF). Il s’est achevé en avril 2025, après trois années d’engagement aux côtés des mouvements féministes. Issu du Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), le projet a permis à plus de 200 organisations féministes réparties dans 30 pays des Suds de renforcer leurs capacités et de faire entendre leurs voix à plus grande échelle.

 

Parmi ces organisations, Jeunes Filles Actrices de Développement (JFAD), basée au Bénin. Sa présidente, Chanceline Mevowanou, revient sur les avancées rendues possibles grâce à Féministes en Action.

Le projet Féministes En Action, c’est quoi ? 

 

Ce projet a été mis en œuvre en consortium par trois ONG et trois fonds féministes dans le cadre du Fonds de Soutien aux Organisations Féministes du gouvernement français (FSOF). Ce programme a soutenu des organisations féministes dans plusieurs régions du monde, notamment en Afrique, en Amérique latine ou au Moyen-Orient. Le projet a offert non seulement un financement flexible et féministe, mais aussi un accompagnement renforcé pour la réalisation des projets, le renforcement institutionnel des organisations bénéficiaires et la mobilisation de nouvelles ressources. Il a permis également de favoriser la mise en réseau et les synergies entre organisations, tant à l’échelle nationale qu’internationale. 

« Notre organisation a franchi un cap décisif en accédant pour la première fois à un financement important. »

Concrètement, que vous a-t-il permis de mettre en place ?

 

Grâce au projet Féministes en Action, notre organisation a franchi un cap décisif en accédant pour la première fois à un financement important. Cela nous a permis de salarier du personnel sur une année, de mettre en place un parcours de formation féministe complet, et d’acquérir du matériel de base : ordinateurs, connexion Internet, supports de communication. Ces investissements ont renforcé la capacité opérationnelle et la visibilité de l’association. Surtout, cela nous a permis de démontrer notre capacité à gérer des ressources significatives — condition essentielle pour obtenir d’autres financements — mais aussi de structurer durablement notre organisation et nos activités.

 

Nous avons pu rencontrer et échanger avec d’autres organisations féministes soutenues par le projet, au Bénin et lors de rencontres régionales. Ces échanges ont permis de partager nos actions, de découvrir des pratiques inspirantes et de renforcer nos approches à travers des expériences variées. Parmi ces collaborations, les ligues féministes du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Niger ont mené un plaidoyer commun pour institutionnaliser la collecte de données sur les violences basées sur le genre. Ce travail a été lancé dans le cadre d’un lab d’incubation, favorisant la solidarité. Le projet s’est aussi inscrit dans la dynamique de la campagne « Comptez Pour Toutes », portée par des féministes africaines francophones.

 

 

Les voyages de plaidoyer internationaux ont quant à eux offert des espaces précieux de rencontres et d’échanges avec des féministes d’autres pays, notamment d’Amérique latine et de Tunisie. Ces moments ont été sources d’inspiration, d’apprentissage et ont ouvert des perspectives de futures collaborations. À titre personnel, ils m’ont permis de rompre l’isolement, en découvrant que d’autres militantes vivent les mêmes réalités : recul des droits, montée des conservatismes, violences. Ces échanges ont redonné force et espoir, en renforçant le sentiment d’appartenance à un mouvement global de résistance.

 

« Si les mouvements anti-droits se renforcent, c’est aussi parce que les mouvements féministes gagnent en impact et en visibilité. Cela montre que les luttes féministes portent leurs fruits, et qu’il est crucial de continuer à résister, ensemble. »

 

En quoi ces aides internationales au développement sont importantes pour des associations féministes comme la vôtre ?

 

Les financements internationaux nous sont essentiels, car au niveau national, il n’existe presque aucun soutien. Sans ces fonds venus de l’étranger, nous serions dans un désert financier total, surtout avec notre position féministe radicale qui exclut souvent toute collaboration avec les institutions publiques. Ces fonds nous permettent de mener des actions concrètes, de faire du plaidoyer pour un financement national, et prouvent que notre situation n’est pas une fatalité.

 

 

 

« Sans ces fonds venus de l’étranger, nous serions dans un désert financier total, surtout avec notre position féministe radicale qui exclut souvent toute collaboration avec les institutions publiques. »

 

 

 

Contrairement aux financements classiques, le financement féministe reconnaît le travail militant, prend en compte le bien-être des militantes et les risques auxquels nous faisons face, comme les violences en ligne. Sans ce soutien international, il serait impossible de renforcer durablement les mouvements féministes dans nos pays, souvent confrontés à des contextes hostiles.

Quels sont vos inquiétudes et espoirs pour l’avenir des femmes au Bénin ?

 

Je suis préoccupée car les droits des femmes sont attaqués par des forces conservatrices, par exemple certaines Églises au Bénin qui s’opposent aux droits en santé sexuelle et reproductive, des groupes d’hommes masculinistes aussi qui sont malheureusement à postes de décisions. Avec les élections générales de 2026 qui arrivent, je m’inquiète encore plus, il suffit que des personnes opposées aux valeurs progressistes accèdent au pouvoir pour que les lois récentes — sur la criminalisation du viol ou l’accès à l’IVG — soient remises en cause, voire supprimées. D’autant plus que, pour le moment, selon mes observations et analyses, la question des droits des femmes ne figure concrètement dans le programme d’aucun projet politique.

 

Intervention à Paris de Chanceline, pour la clôture en avril 2025 du projet FEA, aux côtés de deux autres féministes, Constanza JÀUREGUI TAMA d'Equateur et Marta LUCENO MORENO de Tunise.

 

Je crains aussi la répression croissante des manifestations citoyennes et féministes, qui limite la liberté de lutter pour la justice sociale. L’espace civique se réduit, mais je garde beaucoup d’espoir en voyant la résistance des mouvements féministes.

 

 

 

« J’ai pu échanger avec d’autres féministes du monde entier, et notre conviction commune est claire : nous devons continuer à résister, mais il faut des ressources. »

 

 

 

J’appelle donc les alliés — organisations, bailleurs, gouvernements engagés — à nous soutenir non seulement financièrement, mais aussi politiquement, en appuyant notre plaidoyer auprès des autorités. Que le mouvement féministe puisse continuer son combat, avec plus de moyens, en sécurité et dans la dignité.