Du 17 au 19 novembre 2025, Ouidah a accueilli un moment fort du projet « Pour des agendas féminiSTES Paix et Sécurité – Afriques de l’Ouest et du Sahel solidaires pour la paix ». Pendant trois jours, 24 actrices et acteurs engagé·e·s des organisations partenaires du Bénin se sont réuni·e·s pour un atelier de formation de formateur·ice·s en plaidoyer féministe, dans une dynamique à la fois institutionnelle, participative et profondément ancrée dans les réalités sécuritaires régionales.

Dans une Afrique de l’Ouest traversée par les conflits armés, les crises humanitaires et une instabilité politique croissante, la marginalisation des femmes et des jeunes demeure une réalité frappante. Pourtant, leurs actions quotidiennes, leurs initiatives locales et leurs engagements communautaires constituent des piliers essentiels dans les dynamiques de prévention, de médiation et de cohésion sociale. Cet atelier apparaît ainsi comme un espace indispensable pour renforcer la capacité des organisations à influencer, proposer et transformer, en s’appuyant sur une approche résolument féministe et ancrée dans les contextes locaux.
Une méthodologie engagée et collective au cœur d’une dynamique féministe

Co-facilité par Gorée Institute, EQUIPOP, Filles en Action, ROAJELF Bénin, l’AJEF et une militante féministe, spécialiste Paix et Sécurité et, l’atelier a adopté une méthodologie participative, hybride et inclusive, qui reconnaît la légitimité des savoirs militants autant que la rigueur des outils institutionnels. Loin des cadres classiques, les participant·e·s ont partagé leurs expériences, revisité leurs pratiques et identifié les défis qui freinent la mise en œuvre des agendas Femmes, Paix et Sécurité (FPS) et Jeunesse, Paix et Sécurité (JPS).
Dès la première journée, un World Café a permis de croiser les réalités de terrain autour de trois axes majeurs : la mobilisation politique et l’interpellation des décideurs, le leadership communautaire des jeunes femmes, et la prévention des violences sexistes et sexuelles. Cet échange a révélé la profondeur des initiatives menées au Bénin et a montré comment les organisations articulent déjà plaidoyer, mobilisation communautaire et stratégies de transformation sociale.
Cette dynamique collective a été renforcée par une exploration des cadres juridiques internationaux, régionaux et nationaux qui soutiennent les agendas FPS et JPS. En retraçant l’historique des résolutions 1325 et 2250, les participant·e·s ont pris la mesure des avancées politiques obtenues par des décennies de mobilisations féministes, tout en identifiant les obstacles structurels qui persistent : insuffisance de financements, lente mise en œuvre, barrières culturelles, faible coordination institutionnelle.
Penser le plaidoyer féministe comme une stratégie de transformation

La deuxième journée a été consacrée au cœur du processus de plaidoyer : définir les contours du plaidoyer féministe, ses principes, ses postures et ses techniques. Les discussions ont permis de souligner que le plaidoyer féministe ne se limite pas à influencer des politiques publiques ; il cherche aussi à transformer les rapports de pouvoir, déconstruire les normes discriminantes et porter des récits qui rendent visibles celles et ceux dont les voix sont souvent invisibilisées.
Les exercices de cartographie des acteur.ice.s, de formulation de messages clés et de construction d’arbres à solutions/objectifs ont permis d’ancrer cette réflexion dans des outils pratiques. Chaque groupe a pu formuler des messages narratifs et argumentaires impactants, capables de toucher les institutions autant que les communautés, en adoptant une posture qui valorise l’expérience située, l’inclusivité et l’empathie.
Ces moments ont ouvert la voie à une élaboration collective de mini-stratégies de plaidoyer, où les différents groupes ont articulé leurs objectifs, leurs cibles, leurs messages et les actions prioritaires nécessaires pour renforcer l’impact de leurs interventions sur le terrain. Cet exercice a mis en lumière la nécessité de bâtir des stratégies inclusives, collectives et contextualisées, en tenant compte des réalités locales et des dynamiques spécifiques à chaque territoire.
Faire entendre les voix féministes dans les médias et les espaces publics
La troisième journée a prolongé cette dynamique en s’intéressant à la communication pour le plaidoyer, un levier essentiel pour amplifier les voix féministes dans des espaces médiatiques encore traversés par des stéréotypes et des récits biaisés. Les participant·e·s ont commencé par analyser des supports variés affiches, posters, clip vidéo afin d’identifier les éléments qui rendent un message cohérent, percutant et efficace.
Les échanges se sont ensuite orientés vers le rôle stratégique des médias et des réseaux sociaux dans la diffusion des récits féministes, l’interpellation des décideur.euse.s et la mobilisation des communautés. En s’appuyant sur les acquis des jours précédents, les groupes ont élaboré des plans d’action sensibles au genre, adaptés à leurs contextes et alignés à leurs priorités de plaidoyer.
La journée s’est achevée par des simulations d’interventions médiatiques, permettant de travailler la posture, la clarté des messages et la capacité à répondre aux questions sensibles. Ces mises en situation ont consolidé la confiance et la capacité collective à occuper l’espace public avec assurance et cohérence.
Un espace de solidarité, d’engagement et d’action pour la suite

Au-delà des outils et des connaissances, l’atelier a ouvert un espace de confiance et de solidarité entre organisations et militant.e.s y compris journalistes féministes présentes, permettant de renforcer les synergies et de consolider une vision partagée du plaidoyer au sein du projet. Les engagements pris pour les restitutions en cascade témoignent de la volonté d’inscrire cette dynamique dans le long terme, afin de diffuser les apprentissages dans les communautés et auprès des jeunes et des femmes qui en seront directement bénéficiaires.
En clôture, un sentiment commun s’est imposé : cet atelier n’a pas seulement transmis des compétences, il a ravivé une énergie collective et une détermination renouvelée à porter des voix féministes dans les espaces publics, institutionnels et communautaires. Dans un contexte régional marqué par la montée des conservatismes, l’aggravation des crises sécuritaires et la persistance des violences sexistes, les partenaires ont réaffirmé l’importance d’un plaidoyer fort, intersectionnel et ancré dans les réalités du terrain.
Le consortium EQUIPOP–DIAKONIA–FAD–GORIN, aux côtés des organisations féministes béninoises : Filles en Action, Fondation des jeunes amazones pour le développement (FJAD), Havre de Paix, Institut Tonafa, Rescue and Hope, Réseau Paix et Sécurité pour les Femmes de l’Espace CEDEAO/Bénin (REPSFECO), ONG Barika, Réseau Ouest-Africain des jeunes Femmes Leader – Bénin (ROAJELF-Bénin), Yonba, Jeunes Médiateurs du Bénin (JMB), Jeunesse Regard et Actions (JRA), Association des Jeunes des Espaces Frontaliers du Bénin (AJEF-Bénin) et West Africa Network for Peacebuilding (WANEP-Bénin), poursuit ainsi son engagement à construire des espaces et des stratégies qui permettent non seulement de documenter, mais aussi de transformer. À Ouidah, un jalon important a été posé : celui d’un plaidoyer féministe en action porté par des voix déterminées, solidaires et résolument tournées vers la paix, la justice et l’égalité.
