– Retour de Women Deliver 2023 : ne rien céder aux mouvements anti-droits
Les espaces mondiaux qui rassemblent les féministes sont nécessaires pour créer des liens entre activistes et renforcer leur capacité collective à promouvoir l’égalité de genre, dans un climat de confiance et sur la base de valeurs communes. Il était donc important pour Equipop de se rendre à Women Deliver, l’un des plus grands rassemblements du monde pour les droits des femmes et l’égalité de genre et un rendez-vous de ralliement vibrant pour les mouvements féministes de tous les continents.
Cette année, Women Deliver s’est déroulé à Kigali, au Rwanda. Equipop y a participé aux côtés d’une large délégation de féministes d’Afrique de l’Ouest, pour amplifier les voix des activistes francophones, créer de nouveaux espaces de dialogue, et (re)mobiliser des alliances stratégiques pour faire face au “backlash” contre les droits des femmes et l’égalité de genre. Quel est notre bilan ?
Au cœur de la 6e édition : l’enjeu de la la lutte contre les mouvements anti-droits
Dans le programme de la 6e édition, un enjeu est ressorti dans toutes les discussions : la lutte contre l’opposition et les mouvements anti-droits. Depuis très longtemps déjà, les féministes répètent qu’il faut s’organiser face à une opposition très structurée, vocale et largement financée (Cf. notre rapport Droits des Femmes : combattre le Backlash avec la Fondation Jean-Jaures). Les anti-droits s’infiltrent dans tous les espaces et sont maintenant présents partout dans le monde. Les féministes, qui sont souvent exposées, harcelées, attaquées ont besoin de lieux sûrs pour stratégiser ensemble. Ceci explique, la colère et la sidération qu’a suscitées la présence de Katalin Novak en cérémonie d’ouverture, présidente hongroise et figure emblématique des mouvements anti-droits. Après cet épisode, une réflexion des acteurs et actrices pro-choix s’impose et Equipop y participera activement. Soulignons que dans ce contexte, la position affirmée de la France, portée par Delphine O, était nécessaire et juste. Cela conforte le positionnement diplomatique français sur les enjeux DSSR. Cela conforte aussi également ce que dit Equipop : il faut investir toutes les sphères multilatérales et multiacteur·ice·s et ne céder aucun espace aux anti-droits.
“Financez-nous comme si vous vouliez vraiment qu’on gagne !”
Rempart indispensable face au backlash, les mouvements féministes transforment aussi les sociétés et font sauter des digues conservatrices qui semblaient insurmontables, la “vague verte” d’Amérique latine présente à Women Deliver en étant une illustration convaincante. Mais le rapport de force reste très asymétrique : les mouvements anti-droits sont largement financés alors que les actrices féministes ne peuvent encore souvent que compter sur elles-mêmes. Il s’agit bien entendu de la quantité d’argent qui leur est attribuée mais aussi de la manière dont elles sont soutenues. On ne le répétera jamais assez, seuls des financements flexibles et de long terme feront la différence. Les bailleurs doivent financer les mouvements féministes “comme s’ils voulaient vraiment qu’ils gagnent”. Des initiatives prometteuses voient le jour. A côté de fonds féministes qui existent depuis de nombreuses années dans les Suds et dont le travail est inestimable, des Etats s’engagent dans de nouvelles voies qui sont à saluer. C’est le cas de la France avec le Fonds de Soutien aux Organisations Féministes (FSOF), mécanisme financier qu’il faut absolument pérénniser. La France doit en faire une des priorités de sa future stratégie “diplomatie féministe”.
Politiques étrangères féministes : repenser et renforcer les alliances avec les activistes
A Kigali, avec l’appui d’Equipop, une délégation de féministes d’Afrique de l’Ouest a pu rencontrer un certain nombre de décideurs multilatéraux et bilatéraux, dont le ministère de l’Europe et des affaires étrangères français pour échanger sur sa future stratégie en matière de politique étrangère féministe.
Parmi les principaux messages des membres de la délégation : une demande de justice linguistique et que les lieux internationaux de discussion et de prise de décision ne soient plus dominés par l’anglais, l’urgence d’avoir un accès équitable aux ressources financières, la nécessité de renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelle, l’amélioration de la protection des défenseuses des droits. Cette réunion s’est conclue sur l’engagement du MEAE de faire le lien avec les activistes dans le cadre des prochains groupes de travail et d’organiser une deuxième session sur la définition des “approches féministes”. C’est précisément ce type de partenariat que ceux et celles qui portent les politiques étrangères féministes gagneraient à alimenter avec la conviction qu’être aiguillées par les penseuses et activistes féministes reste la meilleure manière de construire un cadre d’action crédible, puissant et réellement transformatif.