– Remise du rapport du Haut Conseil à l’Égalité sur la diplomatie féministe
Le 18 novembre, le Haut Conseil à l’Égalité a remis son rapport sur la « diplomatie féministe » à Jean-Yves Le Drian et Elisabeth Moreno. Equipop a contribué à ce document qui propose des pistes d’action pour une politique extérieure française véritablement transformative.
Depuis une quinzaine d’années, Equipop exerce un rôle de suivi de l’action internationale de la France en matière d’égalité femmes-hommes, et apporte sa contribution à la construction des politiques et programmes qui en découlent. Les deux premières stratégies du gouvernement français couvraient uniquement la politique de développement (stratégies « genre et développement » de 2007 et 2013). Puis le champ s’est élargi en 2018, avec l’adoption de la stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Bien que la validité de ce document coure jusqu’en 2022, la tribune conjointement publiée le 8 mars 2019 par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et Marlène Schiappa, Secrétaire d’État à l’Égalité femmes-hommes, a changé la donne. Par la voix de ces deux ministres, la France a alors proclamé qu’elle portait une « diplomatie féministe », dans une démarche prescriptive, puisque le cadre stratégique et les outils d’analyse correspondant n’existaient pas.
Construire une vision commune des politiques extérieures féministes
Un an et demi plus tard, le Haut Conseil à l’Égalité publie un rapport d’une soixantaine de pages, intitulé « La diplomatie féministe : d’un slogan mobilisateur à une véritable dynamique de changement ? ». Le rapport évalue dans quelle mesure, sur cette période relativement courte à l’échelle des politiques publiques, la politique extérieure française est animée par une démarche féministe. Equipop y a participé en tant que membre de la commission « enjeux européens et internationaux », qui au fil des mois a défini les axes de réflexion de ce travail et a conduit de nombreuses auditions de représentant·e·s des différentes institutions concernées.
Pour contribuer à l’analyse sous-tendant ce rapport, et à tous les travaux à venir sur cette question, Equipop s’appuie sur un positionnement visant à mettre en relation différent·e·s acteurs et actrices et institutions. Il est par exemple intéressant d’envisager l’impact concret de la politique extérieure française à travers le regard de jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest, ou d’associations américaines ou suédoises qui s’intéressent aux processus onusiens, ou internationaux, tels que le G7. L’approche féministe de la politique extérieure est un domaine très nouveau. La Suède l’a théorisée il y a seulement quelques années, suivie par le Canada et la France. Si l’on a sans doute dépassé le stade où il faut défricher ce champ d’action, il reste néanmoins à construire, à la fois à chaque niveau national, et dans une démarche internationale de compréhension commune des enjeux.
Quatre leviers à activer simultanément
C’est pour cette raison que, au niveau français, le HCE va au-delà de la simple évaluation des progrès accomplis et des limites observées, et propose quatre axes majeurs pour enraciner l’approche féministe dans la politique extérieure française.
Premièrement, la politique extérieure doit adopter une visée « transformative », inscrite dans toutes ses dimensions (politique, mais aussi défense, commerce, etc), et que les représentant·e·s des institutions concernées s’approprient.
Deuxièmement, l’approche féministe doit être centrale dans l’établissement de la politique extérieure. Le HCE propose très concrètement l’établissement d’une feuille de route interministérielle, d’une instance de coordination qui serait placée sous l’autorité du Président de la République ou du Premier ministre, et d’un mécanisme de redevabilité.
Troisièmement, une politique extérieure féministe ne peut se réaliser sans moyens financiers importants, pérennes et transparents. Enfin, cette approche féministe ne peut s’envisager que si la parité est atteinte dans les postes de décision, et que le soutien français aux associations féministes et aux actions des militantes augmente.
Portage politique et mise en œuvre à tous les niveaux
Le 18 novembre, le rapport a donc été remis par la présidente du HCE, Brigitte Grésy, et la présidente de la commission « enjeux européens et internationaux », Martine Storti, à Jean-Yves Le Drian et Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances.
Il était important que ce rapport soit reçu au niveau ministériel. Sans portage politique fort, les orientations suggérées, qui impliquent une réelle remise en cause de mécanismes profondément ancrés dans les pratiques, ne pourront se concrétiser. Or, Jean-Yves Le Drian a fixé une ligne très claire : la diplomatie féministe est un « puissant facteur de changement » et même, en quelque sorte, « l’avenir de notre diplomatie ». Il a remercié le HCE d’avoir reconnu le chemin parcouru, et assuré que les 19 recommandations seraient « examinées avec beaucoup d’attention, pour les mener à bien ».
S’il était vraisemblablement trop tôt pour évoquer la possible création d’une instance de coordination placée sous l’autorité du Président de la République ou du Premier ministre, le ministre a insisté sur trois points : en premier lieu, le volet bilatéral de la diplomatie féministe, c’est-à-dire le fait d’évoquer les droits des femmes dans tous les échanges avec les États étrangers, « gagnerait à être systématisé », enjeu que « les postes prennent très au sérieux ». Deuxièmement, la hausse de l’APD (Aide publique au développement) genre doit se poursuivre. Enfin, et surtout, tous les ministères et les opérateurs publics qui interviennent à l’international doivent « veiller à intégrer » cette approche. C’est effectivement la clé pour passer un palier, et faire en sorte que « diplomatie féministe » soit bientôt plus qu’un slogan mobilisateur. Dans les mois à venir, Equipop continuera d’effectuer un suivi des engagements pris au niveau politique, et de proposer des pistes d’opérationnalisation auprès des responsables techniques, à travers la promotion de ce rapport du HCE, mais aussi plus largement dans la perspective du Forum Génération Égalité, qui se tiendra à Paris en juin 2021.