– Mobilisation au Parlement Européen : “Comment construire une Europe féministe ? Les défis face à l’extrême droite”
Le mardi 10 décembre 2024, à l’occasion de la Journée internationale des droits humains, Equipop a co-organisé, en collaboration avec l’eurodéputée Mélissa Camara, un événement de lancement au Parlement européen pour présenter son nouveau rapport intitulé « Comment construire une Europe féministe ? Les défis face à l’extrême droite ». Ce rapport, réalisé en coopération avec l’association Heinrich-Böll-Stiftung Paris, s’inscrit dans une série de travaux d’Equipop sur les mouvements anti-droits et la montée des conservatismes, dont la récente étude « Quand l’extrême droite avance, les droits des femmes reculent ». Il dresse un état des lieux de l’Union européenne post-élections, en mettant l’accent sur la montée des partis d’extrême droite, leurs stratégies, et les répercussions sur les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+.
Bruxelles : un lieu stratégique pour lancer le nouveau rapport d’Equipop
Le lieu de l’évènement, Bruxelles, était particulièrement stratégique pour le lancement du nouveau rapport d’Equipop : le Parlement européen est une institution démocratique qui joue un rôle clé dans la promotion des droits humains, y compris des droits des femmes et des personnes LGBTQIA+, en Europe. Le Parlement européen a été à l’origine de nombreuses avancées majeures en matière d’égalité de genre et de lutte contre les violences faites aux femmes. Par exemple, en juin 2023, la pression exercée par le Parlement européen a été décisive pour pousser l’UE à adhérer à la convention d’Istanbul, un texte fondamental à la promotion de l’égalité de genre. Plus récemment, en avril 2024, le Parlement européen a adopté la directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, marquant une nouvelle étape législative majeure en faveur des droits des femmes.
L’évènement de lancement du rapport d’Equipop «Comment Construire une Europe féministe ? Les défis face à l’extrême droite» a réuni un large éventail de participant·e·s au Parlement européen, incluant médias, associations, étudiant·e·s et eurodéputées, rassemblé·e·s pour échanger sur les leviers d’actions contre l’extrême droite et pour oeuvrer à la construction d’une Europe féministe. Plusieurs intervenantes ont partagé leurs analyses et perspectives, parmi lesquelles Lucie Daniel, responsable de plaidoyer chez Equipop, et Morine Chauvris, assistante de plaidoyer, qui ont présenté le rapport et ses conclusions. Les eurodéputées Mélissa Camara et Emma Rafowicz ont également pris la parole, tout comme des partenaires d’Equipop telles que Marie Tempesta (IPPF) et Aline Burni (Walking the Talk), afin d’explorer des synergies d’action contre l’extrême droite et en faveur de l’égalité de genre.
Un constat partagé : la montée de l’extrême droite et les dangers pour les droits des femmes
Un constat unanime a émergé : les révolutions féministes en marche suscitent et/ou se heurtent à un « backlash » (ou “retour de bâton”), à travers lequel des mouvements réactionnaires déploient partout en Europe des stratégies pour saper les progrès en matière d’égalité de genre et faire reculer des droits obtenus de haute lutte. Et l’extrême droite nourrit autant qu’elle instrumentalise ce “backlash”.
A travers la présentation de son rapport, Equipop a analysé la montée historique des partis d’extrême droite à l’issue des élections européennes de 2024. Ces partis d’extrême droite constituent la principale force d’opposition aux droits des femmes et des personnes LGBTQIA+. Outre leur progression au sein du Parlement européen, l’extrême droite est arrivée en tête dans cinq pays : la France, l’Italie, l’Autriche, la Belgique et la Hongrie. Par ailleurs, Equipop a rappelé que, bien que l’extrême droite européenne soit souvent perçue comme fragmentée en raison de divergences économiques et géopolitiques, ces partis s’accordent sans difficulté sur les positions les plus rétrogrades en matière d’immigration, de droits des femmes et des personnes LGBTQIA+. Ces dernières années, l’extrême droite a adopté une stratégie qui s’incarne dans le fémonationalisme, une tendance analysée et conceptualisée par la chercheuse Sara R. Farris. Elle désigne l’instrumentalisation des luttes féministes à des fins électoralistes racistes, particulièrement visible dans les discours de plusieurs figures d’extrême droite, qui présentent l’immigration comme l’une des principales menaces pour les droits des femmes en Europe, accusant à tort les migrants d’être principalement responsables des violences sexuelles et sexistes.
En outre, comme l’a souligné Aline Burni, responsable de la politique et de l’engagement européen chez ODI Europe, les femmes ne représentent que de 20% des membres des “commissions influentes” telles que la Commission des affaires étrangères (AFET) ou la Commission des budgets (BUDG), et la présence des femmes à la présidence des commissions continue de diminuer. Par ailleurs, on observe un désengagement des eurodéputés masculins au sein de la commission FEMM, les droits des femmes et l’égalité de genre étant encore perçus comme des sujets “exclusivement féminins”. Un élément révélateur concerne la présence croissante de l’extrême droite au sein de la commission FEMM. Cette nouvelle stratégie de l’extrême droite, également analysée dans le nouveau rapport d’Equipop, vise à saper les avancées en matière d’égalité de genre, tout en affichant un intérêt de façade pour ces questions.
De surcroît, la menace qui pèse sur le “cordon sanitaire” au Parlement européen a été un sujet de discussion central lors de cet évènement, en particulier, la tendance à la “radicalisation” du PPE vers l’extrême droite. Ce groupe politique, n’hésite désormais plus à s’allier avec les partis d’extrême droite européens, sur des sujets comme le pacte Vert et les politique d’immigrations. Les droits des femmes, sujet sur lequel le PPE a une position ambivalente, pourraient faire les frais de ce type d’alliances à l’avenir.
Face à l’extrême droite, organisons-nous !
Pour autant, cette offensive réactionnaire n’est pas inarrêtable. Partout où elle sévit, des organisations féministes, des mouvements sociaux et politiques s’organisent pour y résister. Bien que la situation soit grave, un mot d’ordre est ressorti : “si nous nous organisons, nous pouvons y arriver !”. Comme l’ont souligné Mélissa Camara et Emma Rafowicz, les forces progressistes de la société civile et du Parlement européen, doivent faire preuve d’ambition et ne pas céder face à l’extrême droite. En nous organisant ensemble, société civile, eurodéputé·e·s et mouvements féministes, nous avons la capacité de faire gagner les principes féministes.
En effet, plusieurs leviers d’actions ont été évoqués pour faire face à ce backlash et faire barrage à l‘extrême droite. Parmi les priorités, et comme l’évoquait Marie Tempesta d’IPPF, l’augmentation du budget Genre dans le cadre du MFF (Cadre financier pluriannuel) est cruciale. En second lieu, la création d’une ligne budgétaire spécifiquement dédiée aux financements des associations féministes doit être envisagée. L’eurodéputée Emma Rafowicz a également insisté sur la nécessité de plaider pour une politique étrangère féministe au niveau européen et de créer des alliances au-delà des groupes des Verts et du S&D. En outre, bien que la ratification de la Convention d’Istanbul par l’UE constitue une avancée importante, il reste impératif que tous les États membres de l’UE la ratifient à leur niveau également. Une autre action concrète a également été suggérée à court terme : interpeller collectivement la Commissaire européenne Ursula Von der Leyen pour obtenir des clarifications sur la ligne politique de son parti, le PPE, au sein du Parlement européen, dans le cadre de la nouvelle mandature, d’autant plus que ce dernier a déjà commencé à voter avec l’extrême droite.
Enfin, des initiatives citoyennes européennes telles que Ma Voix, Mon Choix existent. Portée par des militantes et des orgaisations féministes, cette initiative appelle à la justice et au respect des droits fondamentaux, notamment les droits sexuels et reproductifs, en oeuvrant pour garantir l’accès à l’avortement partout en Europe.
À travers la diffusion de ce rapport et, plus largement, dans le cadre de son action au niveau européen, Equipop continuera de nourrir ce type d’échanges et de rencontrer des eurodéputé·e·s dans une démarche de mobilisation internationale et transpartisane. L’association suivra avec attention les actions des Commissaires européen·ne·s sur les enjeux de genre et se mobilisera pour maintenir une visibilité médiatique autour de ces questions. D’autres événements, à Bruxelles et ailleurs en Europe, sont prévus en 2025 dans la perspective de construire une Europe féministe.
Le rapport “Comment construire une Europe féministe ? Après les élections européennes, les défis face à l’extrême droite” est disponible dans son intégralité.