« Les femmes ne se limitent pas à espérer la paix : elles la construisent au quotidien par leurs actions et leur courage »

Au Tchad, Union RANNENDA fait partie de ces femmes qui transforment leurs indignations en action. Vice-présidente de la Ligue tchadienne des droits des femmes, elle milite pour une paix durable fondée sur l’égalité, la justice sociale et la reconnaissance du pouvoir des femmes. À travers son parcours, elle témoigne d’un engagement profond : celui de bâtir une société où les femmes ne se contentent pas d’espérer la paix, mais la construisent, jour après jour. Lisez son témoignage.

“Depuis mon jeune âge, j’ai été témoin de nombreuses situations d’injustice dans mon environnement. L’un des moments qui m’a le plus marquée remonte à mon adolescence, lorsque j’ai vu des filles de mon entourage privées d’école à cause de mariages précoces, ou simplement parce qu’on estimait que l’éducation des filles n’était pas une priorité. C’est une réalité encore très répandue dans ma communauté.

Une conscience aiguë des inégalités de genre

Ces expériences m’ont profondément touchée. Elles ont éveillé en moi une conscience aiguë des inégalités de genre et des violences faites aux femmes et aux filles. Mon entourage et ma communauté ont joué un rôle déterminant dans cette prise de conscience et dans mon engagement.

Aujourd’hui, je suis vice-présidente de la Ligue tchadienne des droits des femmes, une association féministe qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles au Tchad. J’ai participé à plusieurs rencontres et espaces d’échange autour des agendas Femmes, Paix et Sécurité et Jeunesse, Paix et Sécurité, où j’ai souvent été invitée à donner mon avis sur le rôle et l’implication des femmes dans les processus de consolidation de la paix. J’anime aussi des formations pour amener les femmes à comprendre le rôle crucial qu’elles peuvent jouer dans ces processus et à prendre conscience de leur pouvoir collectif.

L’une de mes plus grandes fiertés est d’avoir piloté un projet de redynamisation du soutien aux victimes de violences basées sur le genre à l’est du Tchad, une zone frontalière du Soudan. Beaucoup de bénéficiaires étaient des femmes réfugiées ayant fui le conflit. Nous avons sensibilisé environ 200 femmes sur les questions de VBG en contexte de crise, et formé plus de 50 d’entre elles en activités génératrices de revenus, en cadre juridique et en prise en charge psychosociale des survivantes.

Notre travail n’est pas facile. Le système patriarcal, profondément ancré dans la société tchadienne, rend difficile l’acceptation des valeurs féministes. Certains de mes avis ne sont pas toujours bien reçus, que ce soit par des membres de ma famille, de ma communauté ou sur les réseaux sociaux. À cela s’ajoute la baisse des financements destinés aux organisations féministes, ce qui limite notre capacité d’action et d’influence, notamment dans les zones de conflit.

La paix féministe n’est pas une simple absence de guerre

Union RANNENDA, Vice-Présidente de la Ligue Tchadienne des Droits des Femmes

Pour moi, la paix féministe n’est pas une simple absence de guerre. Elle repose sur les principes du féminisme : l’égalité, la justice sociale, la reconnaissance du travail et du pouvoir des femmes. La paix féministe cherche à transformer les causes profondes des conflits — le patriarcat, les inégalités économiques et sociales, la domination masculine. Sans ces principes, on ne peut pas parler d’une paix durable.

Dans mon pays, l’implication des femmes dans les processus de paix reste insuffisante. Le manque de femmes à des postes de leadership dans les forces de défense, dans la médiation ou dans la prévention des conflits limite les avancées. Beaucoup de personnes, y compris parmi les décideurs, ne connaissent pas encore l’agenda Femmes, Paix et Sécurité, et ne mesurent pas l’importance de la participation des femmes à la construction de la paix.

Mon espoir pour l’avenir est que nous puissions, un jour, vivre dans une Afrique où les femmes jouiront pleinement de leurs droits.

Je crois profondément que les femmes ne se limitent pas à espérer la paix : elles la construisent au quotidien par leurs actions et leur courage. Elles sont elles-mêmes des artisanes de paix.À toutes celles et ceux qui souhaitent s’engager pour contribuer au changement, je dirais que la paix ne se décrète pas : elle se construit chaque jour, par le courage, la solidarité et la justice. Le changement commence par soi-même. Chacun peut être un artisan de paix, en semant la paix autour de soi — dans ses mots, dans ses actes, dans sa manière d’aimer et d’agir.”

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