Du 16 au 20 juin 2025, à Dakar, s’est tenu le Lab d’incubation Collectiv’Act Recherche, une initiative portée par Equipop dans le cadre de son projet Des Marges à l’Avant-garde. Cinq jours d’échanges intenses ont permis aux militantes féministes, chercheuses et expertes engagées, venues de divers pays d’Afrique (Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin), de concevoir un projet de recherche féministe et intersectionnel, ancré dans les réalités des mouvements, capable de fournir des outils adaptés pour renforcer leur plaidoyer.
Pour les mouvements féministes en Afrique de l’Ouest, les enjeux sont cruciaux. Face à la montée des mouvements anti-droits et à la persistance des violences sexistes et sexuelles (VSS), la nécessité de la production de données pertinentes est apparue comme une priorité. L’objectif n’était pas seulement de concevoir une méthodologie de recherche, mais bien de produire des connaissances concrètes pour soutenir les stratégies d’action et amplifier la voix des militantes dans les espaces publics et politiques.
Une méthodologie hybride engagée et collective
Le Lab a rassemblé militantes, chercheuses et organisations féministes autour d’un objectif commun : imaginer des outils de recherche qui reflètent les réalités vécues par les féministes francophones. Loin des cadres académiques classiques, l’approche adoptée repose sur la co-construction, la créativité et la reconnaissance de la légitimité des savoirs militants.
Face au constat d’un manque criant d’espaces structurés, inclusifs et adaptés pour produire des connaissances féministes nourries directement par les mouvements, les participant·e·s ont mis en place un cadre inclusif et collectif.
Cette hybridation permet de croiser rigueur scientifique et engagement féministe, en faisant de chaque participante non seulement un sujet d’étude, mais aussi une contributrice et une actrice de la recherche.
Le Lab vise à dépasser la fracture entre militantisme et recherche académique pour faire émerger des savoirs engageants, pertinents et porteurs d’outils concrets pour le plaidoyer. Le projet entend ainsi tisser des liens entre les milieux militants et universitaires, afin de renforcer la crédibilité scientifique des recherches tout en préservant des espaces autonomes de production et de diffusion des savoirs féministes.
Le but est de: redonner voix et légitimité aux militantes dans la production de la connaissance féministe, en valorisant une approche intégrant sciences sociales, engagement politique et contextes locaux.
Une dynamique collective au cœur de la production de savoirs
L’un des enseignements clés du Lab est la puissance d’une démarche collaborative qui rassemble les différentes voix du militantisme et de la recherche. Le Lab a montré qu’une recherche peut à la fois documenter et transformer. En plaçant les expériences militantes au centre, il ouvre la voie à une pratique scientifique qui ne se limite pas à analyser, mais contribue activement aux changements sociaux.
Le collectif a élaboré, sur une semaine, un projet de recherche participative féministe rigoureux et souple à la fois, pensé pour répondre aux besoins concrets des activistes tout en s’inscrivant dans une stratégie méthodologique innovante, mêlant méthodes qualitatives et quantitatives. Ce projet s’appuie sur la conviction que le savoir féministe est plus robuste lorsqu’il est produit en dialogue entre expériences du terrain et rigueur scientifique.
Un comité scientifique mixte, composé de chercheur·euse·s et de militantes issues de divers horizons, a été mis en place pour garantir la cohérence féministe et scientifique tout au long du processus. Il accompagnera chaque étape, du cadrage à la diffusion. Pour garantir la cohérence et la rigueur de la démarche, un Comité Comité scientifique mixte a été constitué. Composé de chercheuses et de militantes de divers horizons, il accompagnera chaque étape du processus, du cadrage à la diffusion. Par ailleurs, la mise en œuvre effective du projet sera assurée par le consortium piloté par ROAJELF Bénin, actuellement en cours de constitution. Ce consortium finalisera le plan d’action, le protocole et le budget.
Un élan collectif pour la suite
Le Lab d’incubation CollectivAct Recherche a franchi une étape déterminante : poser un cadre collectif et partagé, à la fois technique et politique, pour une recherche participative féministe intersectionnelle, intégrant diversité des vécus et pluralité des luttes. En allant au-delà des clivages classiques entre militantisme et recherche universitaire, cette initiative offre une réponse innovante aux défis que traversent les mouvements féministes face à la montée des conservatismes dans la région.
Au regard des défis constants posés par les mouvements anti-droits et les violences sexistes et sexuelles, ce projet sera une pierre angulaire pour renforcer les capacités des organisations, nourrir leurs stratégies d’action, et amplifier leur voix dans les espaces publics et politiques.
Et après ?
En clôture, un sentiment fort s’est imposé : le Lab n’a pas seulement produit des outils, il a ouvert un espace de confiance et de solidarité. De Dakar à d’autres territoires, cette dynamique pose ici un jalon essentiel : les féministes sont non seulement objets d’étude, mais également actrices et autrices de la recherche qui les concerne.
Equipop et ses partenaires ouvrent une nouvelle voie : celle d’une recherche féministe inscrite dans la réalité des luttes, au service de la transformation sociale et de l’empowerment des mouvements.
