Femmes, paix et sécurité : paroles croisées de quatre militantes ouest-africaines

Elles viennent du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Togo. Florence Edéladjo Odjo, coordinatrice de projet à l’ONG Barika (au nord du Bénin), Carelle Laetitia Goli, présidente du Bureau exécutif de l’ORAF (Côte d’Ivoire), Rakia Garba, coordinatrice de l’ONG Mère Source de Vie (Niger), et Abra Rosaline Tsekpuia, porte-parole des Négresses Féministes (Togo), font partie de cette génération de féministes africaines convaincues que la paix durable ne peut se construire sans les femmes, ni sans justice sociale.

À travers leurs voix et leurs parcours, elles racontent ce que signifie, concrètement, œuvrer pour la paix dans des contextes fragiles, et comment les femmes, en s’organisant, parviennent à transformer les rapports sociaux, les mentalités et les structures de pouvoir.

Qu’est-ce qu’une approche féministe de la paix, selon vous ?

Rakia : L’approche féministe de la paix met l’accent sur la reconnaissance des expériences, des expertises et des besoins des femmes et des jeunes filles dans le processus de paix et de résolution des conflits. C’est une approche qui demande la protection, l’inclusion et la participation active des femmes dans les activités de paix et dans les processus décisionnels. Elle lutte contre les inégalités et veille à ce que les politiques de paix tiennent compte des impacts sur le pouvoir décisionnel des femmes. En somme, c’est une approche qui prône la justice sociale et l’égalité dans la construction de la paix.

Rosaline : Une approche féministe de la paix, c’est refuser de réduire la paix à une simple absence de guerre. Elle met en lumière les violences, la charge émotionnelle et économique supportée par les femmes, et les rapports de pouvoir qui nourrissent les conflits. C’est une paix qui cherche à réparer, transformer et libérer.

Carelle : Pour moi, elle repose sur trois piliers :

  • L’implication réelle des femmes dans la prévention et la gestion des conflits ;
  • La prise en compte de leurs besoins et réalités dans les politiques publiques ;
  • L’intégration des organisations féministes dans tous les espaces de décision. 

C’est cette approche qui garantit une paix durable et inclusive.

Florence : C’est avant tout une approche qui met les filles et les femmes au centre des solutions. Ici, elles ne sont pas seulement bénéficiaires mais actrices à part entière. C’est aussi une manière de repenser la paix au-delà du désarmement ou de la sécurité militaire. Les femmes y apportent une dimension humaine, sociale et émotionnelle, indispensable pour reconstruire des sociétés justes et apaisées.

Comment les femmes transforment-elles concrètement la paix ?

Rakia : Elles interviennent à plusieurs niveaux :

  • Par la médiation communautaire, en facilitant le dialogue entre groupes en conflit.
  • Par la mobilisation sociale, à travers des campagnes d’éducation à la paix et à la non-violence.
  • Par le plaidoyer, en portant la voix des femmes marginalisées dans les espaces de décision.
  • Par l’innovation, en utilisant les réseaux sociaux, l’art et la communication pour dénoncer l’injustice.
    Elles pratiquent aussi des approches holistiques, intégrant les dimensions économiques, culturelles et psychologiques dans le processus de paix.

Carelle : Les femmes transforment la paix par la prise de conscience de leur rôle, puis par l’action collective. En se formant à la médiation et à la négociation, elles deviennent de véritables actrices de la transformation sociale.

Rosaline : Elles changent la paix au quotidien, dans leurs foyers, leurs marchés, leurs villages. Ce sont elles qui recousent le tissu social abîmé.

Florence : Les jeunes femmes, surtout, sont des passeuses de paix.  Elles favorisent le dialogue et construisent le lien social. Elles mènent une perspective intersectionnelle en rappelant que la paix ne peut exister dans égalité et sans justice.Elles innovent, utilisent les arts et les médias pour désamorcer les tensions et promouvoir le vivre-ensemble.

Un mot ou une phrase qui vous guide ?

Rakia : « La fin commence par un sourire. Je ne me bats pas pour être meilleure que les autres, mais pour être utile, juste et fidèle à mes valeurs. »
Rosaline : « La paix commence avec la justice. »
Carelle : « L’humanité préfère la vie aux raisons de vivre. » — Simone de Beauvoir
Florence : « La paix se cultive, elle ne se décrète pas et ce avec les filles et les femmes aussi. »

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