Et si l’art devenait un levier pour transformer la société ?
Du 23 au 27 juillet 2025, Rufisque, Bargny, Sangalkam et Yenne ont vibré au rythme de la création et de la mobilisation. Pendant quatre jours, artistes, jeunes, soignant·e·s, responsables institutionnel·le·s et citoyen·ne·s se sont uni·e·s pour amplifier les voix contre les violences gynécologiques et obstétricales (VGO) et affirmer une évidence : la dignité, le consentement et la justice reproductive ne se négocient pas.
VGO : des violences encore trop invisibles
Les VGO regroupent des pratiques médicales qui portent atteinte à l’intégrité et aux droits des femmes à tous les âges : gestes imposés, accouchements sans intimité, actes non consentis, douleurs ignorées, propos humiliants. Grâce à un portage collectif et engagé, les VGO sont désormais nommées et dénoncées par un plaidoyer féministe.
Le Marathon artistique a choisi l’art comme langage pour soigner, mobiliser et transformer.
Des institutions mobilisées dès l’ouverture
Le lancement, au Centre culturel Maurice Guèye de Rufisque, a réuni des représentant·e·s d’institutions nationales et internationales : la Directrice de la Famille, l’Organisation mondiale de la Santé, ainsi que des responsables associatifs et communautaires.
Khadidiatou Kaya Sy, chargée de plaidoyer, a rappelé que cette mobilisation s’appuie sur les témoignages recueillis dans les cercles de parole et sur des données qualitatives et quantitatives produites par le consortium. Ces résultats seront officiellement présentés lors d’un atelier national en octobre.
« Les violences dans les lieux de soins existent. Il faut l’accepter, en comprendre les causes et y apporter des solutions », a déclaré Dr Ousmane DIENG, représentant de l’OMS Sénégal et référent soins respectueux.
Quand l’art devient manifeste
À chaque étape, quatre disciplines artistiques — fresque, théâtre, chant et danse — ont transformé l’espace public en scènes de guérison et de plaidoyer.
23 juillet – Rufisque : danse et poésie ont ouvert un espace de vérité partagée, donnant corps à la douleur des VGO mais aussi à l’espoir de les surmonter. Cette ouverture a permis de poser publiquement le lien entre art, dignité et droit au consentement.
24 juillet – Bargny : une fresque devenue manifeste vivant a réuni habitant·e·s et artistes pour proclamer, en images et en couleurs, que nos corps nous appartiennent.
26 juillet – Sangalkam : le théâtre interactif a permis au public de rejouer des scènes de soin, introduisant dialogue et dignité là où elles avaient manqué.
« Je pensais être seule. En voyant les autres, j’ai compris que nous sommes des milliers. Et que nous ne sommes plus seules », confie une participante.
Comme elle, de nombreuses voix se sont élevées tout au long du Marathon, témoignant de la force de la parole collective.
27 juillet – Yenne : la clôture a pris la forme d’une célébration des résistances, portée par la musique et la danse, pour sceller la force des solidarités qui soignent et renforcent le pouvoir d’agir.
« J’ai retrouvé une part de moi dans chaque geste, chaque tableau. C’est comme si on dessinait nos blessures… mais aussi nos espoirs », raconte Marième, participante à Bargny.
« Les hommes doivent être responsabilisés dans les processus de soins en santé sexuelle et reproductive, ils ont leur rôle à jouer pour prévenir les mauvais traitements à l’hôpital », participante, Yenne.
Ces voix et ces récits traduisent la portée de ce Marathon : faire de l’art un langage collectif et un outil politique pour transformer la société.
Des chiffres qui parlent
- 4 jours – 4 villes mobilisées
- Plus de 1500 participant·e·s
- Plusieurs fresques collectives
- 8 performances artistiques (danse, théâtre, chant, musique)
- 12 associations locales engagées
- 1 même cri : Stop VGO !
L’art au service d’un plaidoyer pour la dignité
« À travers la peinture, le chant, la danse ou le théâtre, les messages sont plus audibles. L’art touche, mobilise et ouvre la voie à une sensibilisation de masse. » — Sister LB, artiste compositrice, militante féministe et membre du comité de soutien pour le plaidoyer du projet
Au-delà des émotions, ce Marathon s’inscrit dans une stratégie de plaidoyer de fond. Les données produites par le consortium — issues de recherches et de récits de femmes — visent à mettre en lumière les difficultés d’accès aux soins, le mauvais accueil hospitalier, l’absence de consentement éclairé et les discriminations subies.
L’objectif immédiat est clair : intégrer la lutte contre les violences gynécologiques et obstétricales dans le Plan national de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au Sénégal.
Ces analyses alimentent aussi un horizon plus large : contribuer à la réduction de la mortalité maternelle, afin d’atteindre d’ici 2030 l’objectif de moins de 70 décès pour 100 000 naissances vivantes.
Un événement ancré dans le projet Notre Corps, Notre Santé
Le Marathon s’inscrit dans le projet Notre Corps, Notre Santé, porté par Equipop et un consortium d’organisations sénégalaises, avec l’appui de l’AFD. Ce projet vise à visibiliser les VGO, renforcer le pouvoir d’agir des femmes et des jeunes, et promouvoir des soins respectueux et humanisés.
Après le roman graphique Nos corps, nos voix, le Marathon illustre une nouvelle fois une conviction forte : changer les normes sociales et médicales passe aussi par l’art, la mémoire et la mobilisation collective.
Nos corps, nos voix, nos luttes
Le Marathon Artistique a rappelé qu’une autre manière de soigner est possible. Pour l’imposer, nous appelons :
- les communautés à multiplier les espaces de parole et de solidarité ;
- les soignant·e·s à placer le consentement au cœur de leurs pratiques ;
- les institutions à intégrer la lutte contre les VGO dans les politiques publiques ;
- les artistes et créateur·rice·s à amplifier ces voix et récits.
Revivez les moments forts de ce Marathon à travers notre vidéo récapitulative : 🎥 Lien vidéo
Parce que la dignité et le consentement ne se négocient pas, faisons résonner nos voix partout — dans les salles de soins, dans les rues, dans les politiques publiques. Le combat continue.