– Tisser des alliances féministes dans la formation : un partenariat en mouvement entre le Campus Groupe AFD et Equipop

Depuis 2023, Equipop et le Campus Groupe AFD, centre de formation de l’Agence Française de Développement, ont engagé un travail commun ambitieux : faire des approches féministes un levier structurant de réflexion, de formation et d’action pour les acteur·ice·s du développement et de la solidarité internationale.

1. Deux ans de collaboration pour décentrer les savoirs et transformer les pratiques

Cette dynamique s’inscrit dans le contexte d’une diplomatie féministe française en pleine structuration, portée par la Loi de programmation sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales (2021) et par la stratégie française en matière de diplomatie féministe. En tant qu’opérateur central de cette politique, l’AFD a affirmé sa volonté de devenir une “agence féministe”, ce qui implique une transformation profonde de ses pratiques et une montée en compétence de l’ensemble de ses équipes et partenaires.

Cette collaboration repose sur l’intuition simple et politique du Campus Groupe AFD et d’Equipop, que pour transformer les systèmes et construire des sociétés plus justes, il faut ouvrir des espaces de dialogue critique, partager des savoirs situés et renforcer les capacités des équipes à analyser les rapports de pouvoir.

De Cotonou à Marseille, du programme PLAY en intelligence collective aux parcours Académie des Talents Méditerranéens, Social and Inclusive Business Camp et Impulse sur le plaidoyer, les équipes ont expérimenté ensemble des thématiques variées (leadership féministe, communication inclusive, lutte féministe en Méditerranée, etc.). Elles ont également exploré des formats divers (présentiel, distanciel, webinaire, table ronde) et des outils nouveaux (comme le théâtre forum ou l’arpentage). Chaque intervention a été pensée comme une expérience de transformation, individuelle et collective.

Ce travail s’inscrit parfaitement dans la stratégie du Campus : apprendre autrement, apprendre autre chose, apprendre ensemble. Ce partenariat montre concrètement comment ces trois dimensions se déploient via les approches féministes.

Au fil de ces deux années, le partenariat entre Campus AFD et Equipop a permis de renouveler des contenus de formation et d’installer durablement les enjeux féministes au cœur des débats stratégiques du Campus, tout en réaffirmant que les approches féministes ne sont pas un module additionnel, mais une manière de repenser le développement.

2. Relever les limites du système et ouvrir des voies nouvelles

Ce partenariat a ouvert des dynamiques nouvelles au sein du Campus Groupe AFD : 

  • montée en compétences des équipes, 
  • prise de conscience des tensions qui traversent les politiques de développement,
  • appropriation de notions clés (approches situées, alliances féministes, rapports de pouvoir, backlash, intersectionnalité), 
  • et mise en mouvement des pratiques pédagogiques. 

L’une des forces de ce partenariat réside dans la qualité du dialogue entre les équipes. Le croisement entre l’ancrage militant et opérationnel d’Equipop et la capacité du Campus Groupe AFD à structurer et diffuser les savoirs a permis de faire émerger une grammaire commune.
Il a surtout révélé combien l’écosystème du Campus est déjà en demande de contenus féministes, et combien ces approches offrent des réponses pertinentes aux dilemmes actuels du développement. Le partenariat illustre aussi comment les perspectives féministes ouvrent d’autres horizons : elles permettent d’interroger les systèmes d’oppression, de renouveler les notions de développement et d’imaginer des alternatives plus justes.

Avec le Campus, nous intégrons les approches féministes non pas comme un simple enrichissement méthodologique, mais comme une responsabilité institutionnelle majeure pour garantir la cohérence entre les engagements de l’AFD et les pratiques mises en œuvre dans ses dispositifs de formation. 

Le partenariat agit également pour prévenir toute instrumentalisation des approches féministes : il veille à les construire avec les mouvements féministes, à les centrer sur les rapports de pouvoir et à les ancrer dans leurs ambitions transformatrices.

3. Un partenariat centré sur l’apprentissage mutuel

Pour le Campus Groupe AFD, cette collaboration a constitué un véritable levier de transformation interne autour de ses 3 axes : apprendre autre chose, apprendre autrement et apprendre ensemble. 

Elle permet de répondre à une double nécessité : accompagner la montée en compétence des agent·e·s dans un contexte où l’institution s’est engagée à déployer une approche féministe ; et garantir que les partenaires, prestataires et apprenant·e·s partagent un socle commun de compréhension politique du féminisme, condition indispensable à la cohérence des interventions de l’AFD. Cette double exigence s’inscrit parfaitement dans l’engagement du Campus à promouvoir une manière d’enseigner et transmettre différente, via ses trois axes : 

Apprendre autrement : les pédagogies d’éducation populaire féministe permettent de lier savoirs théoriques, expérience vécue et pratiques professionnelles. Ces méthodes soutiennent la conscientisation, le développement du pouvoir d’agir et l’émergence de pratiques collectives plus inclusives.

  • Apprendre ensemble : le partenariat favorise l’intégration des actrices féministes dans les espaces d’apprentissage (chercheuses, militantes, praticiennes, notamment des Suds), valorisant la diversité des savoirs et notamment les savoirs expérientiels et des vécus situés. Cette diversité nourrit des imaginaires pluriels, limite les risques d’extractivisme épistémique et favorise la construction de solidarités transnationales.
  • Apprendre autre chose : les approches féministes interrogent les systèmes d’oppression et offrent des alternatives pour penser le développement et le progrès, renouvelant la matière pédagogique du Campus.

Les équipes ont pu enrichir leurs contenus pédagogiques, affiner leur compréhension des enjeux structurels liés au genre et renforcer leur capacité à intégrer les approches féministes dans leurs programmes. L’accompagnement d’Equipop a favorisé l’émergence de pratiques plus inclusives et a consolidé la cohésion d’équipe en ouvrant des espaces où les questions de pouvoir, de positionnement et de sens peuvent être discutées en confiance. Comme le souligne Sophie Derudder, directrice adjointe du Campus : « L’atelier a permis de clarifier les concepts et de donner du sens aux mots. Il aide à comprendre que les luttes féministes sont à la fois situées et partout dans le monde (…) Peu importe le niveau de conscience de départ, chacun·e repart avec des clés pour questionner, comprendre et agir. »

Pour Equipop, ce partenariat représente un espace institutionnel précieux permettant de diffuser des approches féministes au cœur même des dispositifs de formation et de dialogue stratégique du développement. Il offre l’occasion de co-construire des formats expérimentaux, de faire émerger de nouveaux récits et de nourrir un dialogue exigeant autour des tensions qui traversent le secteur. Il s’agit aussi d’un lieu où l’expertise issue des mouvements féministes des Suds peut être mise en avant, partagée, et reconnue comme un savoir essentiel à la transformation sociale. En retour, Equipop approfondit sa compréhension des dynamiques institutionnelles, repère de nouveaux leviers d’action et consolide une alliance stratégique dans un espace où les enjeux féministes restent encore largement marginalisés. Le Campus joue, lui, un rôle d’allié en amplifiant les travaux d’Equipop et en leur offrant une caisse de résonance institutionnelle. Equipop bénéficie également des formations du Campus, dont la formation PLAY en intelligence collective, qui a nourri et renouvelé ses propres pratiques pédagogiques.

4. Une nouvelle phase pour approfondir, résister, transformer

Cette nouvelle étape du partenariat, actée pour les dix-huit prochains mois, ouvre la possibilité d’approfondir le travail engagé et de lui donner une véritable continuité. 

Elle intervient à un moment charnière, marqué à la fois par la montée des mouvements anti-droits et par l’affirmation d’une diplomatie féministe française qui demande à être concrètement mise en œuvre. Dans ce contexte, le rôle du Campus devient stratégique pour disséminer des approches féministes solides, ancrées dans les savoirs et pratiques des mouvements féministes.

Dans un contexte où les mouvements anti-droits et les discours conservateurs gagnent du terrain, cette collaboration renouvelée apparaît comme un choix stratégique fort : outiller les acteur·ices du développement pour mieux faire face aux résistances, renforcer les solidarités féministes et élargir le cercle des alliées capables de porter haut les ambitions féministes dans les espaces institutionnels et internationaux. À travers ce nouveau cycle, Equipop et le Campus confirment leur volonté commune de poursuivre un travail exigeant, constructif et profondément transformatif. Cette nouvelle phase représente donc une opportunité politique majeure : former, accompagner et renforcer les équipes et partenaires de l’AFD pour consolider des récits alternatifs, affirmer les droits, et contribuer à une solidarité internationale qui résiste et transforme.

Quelques publications et ressources : 

Pour aller plus loin

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