– 80 ans de l’ONU : pour un multilatéralisme féministe, inclusif et ambitieux

Alors que l’Organisation des Nations unies célèbre son 80ᵉ anniversaire, plus de 80 organisations et activistes féministes et de défense des droits humains, issues de 17 pays francophones d’Afrique, d’Europe et du Moyen-Orient, réunies par l’Alliance féministe francophone, appellent la communauté internationale à inscrire l’égalité de genre et la voix des féministes au cœur de la réforme du multilatéralisme.

La tribune et l’ensemble de ses signataires sont à retrouver en intégralité sur le site de l’Humanité. En cette rentrée diplomatique, les projecteurs sont braqués sur New York où s’ouvre la 80e Assemblée Générale des Nations Unies. Une édition symbolique, marquée par l’urgence d’agir face à un système multilatéral fragilisé : institutions internationales affaiblies, montée des nationalismes, crise climatique, multiplication des conflits armés et des atteintes aux droits humains…  

Face à ce contexte, la réforme en cours des Nations Unies – dite “UN80 Reform” – est une opportunité historique pour rebâtir un système multilatéral plus juste, efficace et représentatif. Mais elle comporte aussi un risque majeur : celui de sacrifier les droits des femmes et des minorités sur l’autel du consensus diplomatique. Or, les droits des femmes et des minorités de genre, sexuelles, sociales et culturelles, la lutte contre les violences basées sur le genre et les principes d’égalité, de justice sociale et de paix ne sont pas négociables. Réaffirmés l’année dernière par les Etats membres dans le Pacte pour l’Avenir, ils constituent le socle même du projet onusien. Pourtant, les engagements internationaux en matière d’égalité de genre — de la Déclaration de Beijing à l’Agenda 2030 — sont aujourd’hui fragilisés, remis en question.

Aucun recul ne peut être toléré face aux attaques anti-droits

Depuis plusieurs années, nous assistons à une offensive mondiale coordonnée contre les droits des femmes, les droits sexuels et reproductifs, et l’égalité de genre. Dans les instances multilatérales, certains États, appuyés par des coalitions conservatrices, tentent d’effacer les engagements passés ou de les affaiblir en y substituant des formulations vagues. Partout dans le monde, les espaces civiques se réduisent, et les représailles à l’encontre des défenseur.e.s des droits humains se multiplient. Cette stratégie de recul programmé est inacceptable. Les États qui se réclament des valeurs des Nations Unies doivent adopter une position ferme et concertée pour défendre sans compromis les normes et conventions internationales existantes en matière d’égalité de genre, notamment en matière de droits sexuels et reproductifs. 

Un multilatéralisme réellement inclusif doit inclure les voix féministes et francophones

Les mouvements féministes sont en première ligne pour défendre ces droits et lutter contre le “backlash”. Et pourtant, nos voix restent trop souvent absentes des lieux de pouvoir international. Les féministes francophones des Suds, en particulier, sont systématiquement sous-représentées dans les enceintes internationales. Malgré la reconnaissance du multilinguisme comme “une valeur fondamentale de l’Organisation”, l’anglais domine, et les coupes budgétaires, accélérées ces derniers mois, affectent directement les services de traduction et d’interprétation, limitant ainsi l’accès aux instances, sites et documentations officielles liées à la protection des droits humains.

La crise de confiance que traverse l’ONU relève, entre autres, de la question de la représentation et de la participation pleine, équitable et significative dans les espaces multilatéraux. Tant que les barrières linguistiques, géographiques, financières et numériques continueront d’exclure des voix pourtant essentielles, l’ONU ne pourra jamais être un espace véritablement inclusif. La participation pleine et effective de la société civile et féministe doit s’imposer dans toutes les discussions multilatérales et être soutenue par des mesures concrètes pour briser les barrières systémiques à leur participation. Application éthique de l’intelligence artificielle pour assurer les traductions, inclusion de la société civile dans les délégations gouvernementales, appui financier et logistique, facilitation des démarches d’obtention de visas – les solutions possibles sont nombreuses, et les Etats porteurs de diplomaties féministes, comme le Canada, la France ou le Mexique, ont un rôle particulier à jouer à cet égard. Cette inclusivité doit aussi donner toute leur place aux jeunesses francophones, actrices essentielles de l’avenir.

À l’aube de célébrations majeures — 80 ans de l’ONU, 30 ans de la Déclaration de Pékin et 25 ans de la Résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité, Quatrième Conférence Ministérielle sur les Diplomaties Féministes à Paris — le moment est venu de faire bien plus que de simples discours commémoratifs. Il est temps de poser des actes concrets. Dans cette crise de confiance mondiale, l’égalité de genre ne peut plus être reléguée au second plan. L’avenir du multilatéralisme se joue maintenant. Il ne pourra être sauvé que s’il devient plus démocratique, accessible, intergénérationnel et représentatif. Pour que les 80 prochaines années des Nations Unies soient celles de la justice, de la paix et de l’égalité, le multilatéralisme doit devenir féministe, inclusif, et ancré dans la réalité des luttes de terrain. La tribune et ses signataires sont à retrouver en intégralité sur le site de l’Humanité.

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