– Rapport OURs & AWID : Les droits en danger
L’Observatoire pour l’universalité des droits (OURs) et l’Association pour les droits des femmes dans le développement (AWID), vont publier une série de rapports sur les organisations “anti-droits”. Le premier rapport est sorti il y a quelques semaines. Il décrypte les actions et les profils des organisations conservatrices dans les instances de l’ONU. Voici un résumé des principales conclusions (vous pouvez lire le rapport ici).
Au milieu des années 1990 deux conférences des Nations unies, l’une sur la population (Le Caire) et l’autre sur le statut des femmes (Pékin), ont reconnu pour la première fois l’approche par les droits et l’autonomisation des femmes. C’est donc dans la deuxième moitié des années 90 que, effrayés par cette victoire des mouvements féministes, les conservateurs se sont organisés pour combattre ces droits. Depuis vingt ans, leur mobilisation s’intensifie, si bien qu’aujourd’hui, ils sont souvent en position de force dans des négociations internationales.
Quelles sont les principales forces conservatrices ?
Au sein de l’ONU, le Saint-Siège (membre observateur, officiellement, mais acteur dans la pratique), les pays de l’Organisation de la Coopération Islamique, et quelques pays dirigés par l’extrême-droite comme aujourd’hui la Hongrie ont trouvé un terrain d’entente à travers leurs positions réactionnaires. Ils ouvrent la porte des négociations à des organisations comme l’Eglise orthodoxe russe et des associations ultra-catholiques américaines, qui diffusent leur argumentaire auprès des diplomates du monde entier, les invitant à des séminaires tous frais payés (comme le World Congress of Families). Ce groupe parle quasiment d’une seule voix, amplifiant ainsi la portée de ses arguments.
Même si ce bloc ne gagne pas toutes les batailles, leur approche est souvent efficace. Par exemple, à la Commission pour la population et le développement, aucun consensus n’a été trouvé sur le texte proposé cette année. Une conférence pour marquer le vingtième anniversaire de la conférence de Pékin était envisagée en 2015. Elle a été annulée par crainte des retours en arrière qu’auraient potentiellement obtenus les forces conservatrices.
Mais pourquoi cela fonctionne-t-il si bien ?
Tout d’abord, sur le fond, le groupe conservateur a progressivement laissé de côté le discours qui place les préceptes religieux au-dessus des principes de droit international et a politisé son argumentaire. Il a adopté une position “anti-impérialiste” en criant au relativisme culturel et à la colonisation idéologique, leurs arguments restent faciles à contrer. Par ailleurs, sur la forme, ses méthodes d’action sont très efficaces. Le groupe est systématiquement représenté dans chaque négociation. Dans les textes adoptés, chaque expression est contestée. Par exemple, ils exigent que “la famille” soit toujours au singulier, ignorant ainsi la diversité des formes de familles. C’est ici que le fond et la forme se rejoignent. Cet exemple s’étend à de nombreux droits : l’avortement et les droits sexuels ne figurent toujours pas dans le langage dit “agréé”, l’éducation complète à la sexualité fait toujours l’objet d’une bataille acharnée, etc…
Face à ce groupe, les pays progressistes, bien que présents et souvent actifs, n’ont pas encore mis en place une collaboration aussi poussée. Les messages à défendre sont pourtant clairs : non, le “droit à la vie” ne prime pas sur le droit des femmes à disposer de leur corps. Non, l’éducation complète à la sexualité ne contredit pas les droits des parents à élever leurs enfants. Enfin, non une femme n’a pas vocation à se soumettre à son mari, son frère ou son père parce qu’elle est née femme.