– La délégation des tâches : une approche pour répondre aux besoins contraceptifs des femmes burkinabè

– La délégation des tâches : une approche pour répondre aux besoins contraceptifs des femmes burkinabè

330 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes : les femmes burkinabè continuent à payer un lourd tribut à la maternité. Dans un contexte d’insuffisance de personnel de santé qualifié pour offrir des services de planification familiale de qualité, le pays est aussi caractérisé par une faible prévalence contraceptive (15%) et un fort taux de besoins non satisfaits (24%)¹. Equipop promeut depuis 2010 la délégation des tâches au Burkina et est impliquée depuis 2 ans dans la mise en œuvre d’un projet pilote dans deux districts du Burkina Faso.

Qu’est-ce que la délégation des tâches ?

La délégation des tâches (DT) est une stratégie à haut impact pour améliorer l’accès à la planification familiale (PF), qui se développe depuis une trentaine d’années et montre des résultats encourageants. Elle est recon- nue par l’OMS² comme efficace, sécurisée et acceptable dans des pays où le système de santé est limité à la fois en ressources humaines qualifiées et où les services sont peu accessibles. Concrètement, elle permet à des catégories supplémentaires d’agent·e·s de santé de fournir des services de PF, par le biais d’une formation, et donc d’offrir à plus de femmes les services contraceptifs qu’elles souhaitent.

L’appui d’Equipop à la mobilisation politique et de ressources pour la mise en oeuvre de la DT

Dès 2010, Equipop s’est investie en faveur de la DT en accompagnant, dans un plaidoyer auprès du gouvernement et des décideur·e·s sanitaires, des acteurs et actrices burkinabè convaincu·e·s du potentiel de cette stratégie pour lutter contre la mortalité maternelle. Il aura fallu 4 ans pour qu’un protocole autorisant l’expérimentation de la DT au Burkina soit signé entre le ministère de la Santé et Equipop. En juillet 2015, à la suite de nombreuses concertations et d’un atelier multi-acteurs, le Burkina s’est doté d’un document national et formalise un projet pour tester la mise en œuvre de la délégation de certaines tâches de PF avec l’appui d’Equipop. Il s’agit, après formation et sous supervision, d’autoriser l’administration de méthodes de contraception de longue durée (DIU, implants) par les agent·e·s de première ligne (APL)³, actes incombant jusqu’alors uniquement aux médecins, infirmier·e·s d’État et sages-femmes et de la pilule initiale et des injectables par les agent·e·s de santé à base communautaires (ASBC).

Un objectif clair et ambitieux : l’expérimentation de la DT au Burkina

Le projet pilote (2016 – 2018) a concerné 17 centres de santé et de promotion sociale dans le district sanitaire de Tougan et 8 dans le district sanitaire de Dandé. Sous l’égide du Ministère de la Santé du Burkina Faso, à travers la Direction de la Santé et de la Famille (DSF). Il a réuni en consortium et impliqué 3 organisations avec des responsabilités précises : MSI-BF pour le volet formation des agent·e·s de première ligne pour l’offre de méthodes de longue durée d’action dans les centres de formation sanitaire, ABBEF pour le volet communautaire à travers la formation des agent·e·s de santé à base communautaire pour l’initiation des pilules et l’administration des injectables, dont Sayana Press, et Equipop pour le volet plaidoyer et capitalisation. Les premières évaluations montrent une forte augmentation des moyens de contraception modernes notamment par de nouvelles utilisatrices dont de nombreuses jeunes filles et jeunes femmes et ne révèlent aucun incident majeur déclaré dans les zones d’intervention.

Capitalisation des processus de changement pour favoriser l’apprentissage, la qualité et le passage à l’échelle

Focus group, entretien semi-directif, carte mentale, jeu de rôle, analyse des pratiques professionnelles… À chaque étape du projet et avec chacune des parties prenantes (APL et ASBC, médecins, superviseurs et usagères), tout a été déployé pour favoriser la parole et les échanges mais aussi pour trans- former ces espaces en véritables fabriques à connaissances. « Avec les ateliers Equipop, j’apprends grâce aux expériences des autres et ça me permet de me rappeler aussi de choses de la formation que j’avais oublié. » (APL, 2017).

Le dispositif de capitalisation mis en place pour recueillir et analyser l’expérience des acteurs et actrices a permis de faciliter l’apprentissage continu, d’identifier les bonnes pratiques ainsi que les efforts à poursuivre pour garantir des services de qualité.  » Je maîtrise parfaitement les gestes cliniques pour l’insertion de dispositifs intra-uterin et la pose des implants » témoigne une APL

Du côté des ASBC, c’est en matière de councelling que des progrès sont soulignés. « Avant je ne connaissais pas bien les étapes du councelling, mais avec le projet Délégation des Tâches, j’ai bien appris »

Enfin, la confidentialité est une préoccupation partagée et garantie par cette ASBC :  » Même si le mari de la dame venait me demander de quoi nous avions parlé, j’userais de ruse comme font les APL dans les centres de santé »

En plus de pouvoir offrir plus de services de PF de qualité, les agent·e·s ont développé des stratégies pour contribuer à instaurer un environnement favorable à la PF en trouvant des réponses à des situations complexes.

J’avais reçu un mari en colère après l’insertion d’un implant à son épouse. Aussi, j’ai fait appel à l’ASBC du village où il résidait qui a mobilisé une personne ressource du village et ensemble ils ont réussi à convaincre le mari. APL, 2017

Aujourd’hui, la société civile et les autorités en charge de la santé sont unanimes : la délégation des tâches est faisable au Burkina. Le processus de révision des politiques, normes et protocoles pour autoriser le passage à l’échelle de la DT est lancé. Equipop prendra pleinement sa part dans ces réalisations, afin de contribuer à faciliter l’accès à des services de PF de qualité pour les femmes et les filles du Burkina Faso.



1. Enquêtes démographique et de santé du Burkina Faso, 2010
2. http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/84202/9789242504842_fre.pdf?sequence=1. Recommandations de l’OMS 2013, portant sur l’optimisation des rôles du personnel de santé, par la délégation des tâches pour améliorer l’accès aux interventions de santé maternelle et néonatale.
3. Accoucheuses brevetées et auxiliaires, infirmiers·ières breveté·e·s, agent·e·s itinérant·e·s de santé