Lutte contre les violences

Lutte contre les violences : l’adolescence, moment-clé

 

Tribune par Aurélie Gal-Regniez
dans le Huffington Post

le 25 novembre 2015

Egalité Hommes-Femmes

 

Le 25 novembre rappelle symboliquement que les violences contre les femmes n’ont pas de frontières. Viols, crimes d’honneurs, mutilations sexuelles ou infanticides : partout dans le monde, le corps des femmes paie le prix lourd, même si les formes dominantes de violences varient selon les territoires.

 

Devenir_membre (1)Moins visibles mais tout aussi prégnantes, d’autres menaces pèsent sur la vie sociale et psychologique des femmes, de l’insulte sexiste à l’interdiction d’aller à l’école ou d’utiliser un moyen de contraception. Lutter contre ces injustices les unes séparément des autres n’aurait aucun sens. Il faut, globalement, faire évoluer le statut des femmes dans nos sociétés vers l’égalité. C’est l’une des missions d’Equilibres & Populations, l’organisation dont je suis directrice. En ce 25 novembre, nous désirions partager quelques pistes de réflexion tirées des activités que nous conduisons.

Depuis quinze ans, aux côtés d’associations locales d’Afrique de l’Ouest, nous travaillons à la promotion de l’égalité femmes/hommes et des droits sexuels. L’évaluation de nos programmes, différents travaux de recherche, ainsi que des projets conduits à petite échelle avec l’appui de socioanthropologues tendent vers la même observation : c’est systématiquement à l’adolescence que se cristallisent les normes sociales inégalitaires.

 

Ainsi, la probabilité de mourir à cause de violences augmente significativement pour les filles entre 10 et 19 ans et, dans certaines régions, plus d’une fille sur trois a subi un viol avant 18 ans. Par ailleurs, c’est précisément à l’âge où les garçons gagnent des libertés que les filles, souvent, en perdent : leur habillement, leur déplacement, leurs loisirs et leurs relations peuvent faire l’objet d’un fort contrôle. C’est aussi à cette période qu’un certain nombre d’entre elles sont déscolarisées ou mariées de force.

 

Pour changer cette situation, deux approches complémentaires doivent être mises en oeuvre. La première consiste à renforcer les capacités des filles. Cela commence par le fait de leur donner la parole, pour qu’elles témoignent de leur vécu et pour rendre visibles les violences qu’elles subissent. Les informer sur leur santé et leurs droits, les aider à prendre confiance en elles et à gagner en pouvoir de négociation, leur faciliter l’accès aux services sociosanitaires, à une éducation et à une formation, voilà d’autres exemples d’actions concrètes que nous conduisons. Ultime étape de ce cheminement émancipateur : appuyer les adolescentes pour que, collectivement, elles deviennent actrices du changement dans leur société.

 

La seconde approche, à mener parallèlement, implique de mettre en débat les habitudes, les représentations sociales, ainsi que les règles et les lois discriminantes envers les adolescentes. Cela passe par la création d’espaces pour faire évoluer les normes inégalitaires dominantes, à travers des échanges avec les familles, des discussions avec les groupes de jeunes, une sensibilisation des leaders religieux et traditionnels, et bien sûr un plaidoyer auprès des décideurs politiques locaux et nationaux.

Et de fait, bien que de tels changements requièrent du temps, les premiers verrous sautent. La parole se libère et les fondements des violences contre les femmes, en particulier contre les adolescentes, commencent à vaciller, d’autant plus lorsque la collaboration avec les hommes et les garçons est étroite.
Mais il ne faut jamais oublier, ici comme ailleurs, que les progrès risquent d’être remis en cause à n’importe quel moment. Le caractère houleux des négociations onusiennes concernant la contraception ou les violences domestiques nous le rappelle : la place des femmes dans la société renvoie à des enjeux idéologiques et politiques, à plus forte raison dans les périodes d’instabilité.

 

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