– Genre et diplomatie française : de nouveaux moyens pour de nouvelles ambitions ?

– Genre et diplomatie française : de nouveaux moyens pour de nouvelles ambitions ?

Le 8 mars, le Ministère des Affaires étrangères a dévoilé sa troisième stratégie “genre”. Elle prolonge avec force l’action des deux stratégies précédentes, même si la question des moyens financiers reste d’actualité. Quatre jours plus tard, le discours prononcé par Marlène Schiappa à l’ONU a clairement démontré l’engagement politique de la France en faveur de la promotion de l’égalité femmes-hommes. Retour sur cette semaine charnière.

Une nouvelle stratégie étendue à l’ensemble de la diplomatie française

La Journée internationale des droits des femmes a été l’occasion d’un renouvellement de l’ambition stratégique de la France en matière de promotion de l’égalité de genre. C’est en effet ce 8 mars qu’a été lancée la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2022), comme annoncé début février par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Le texte s’inscrit dans la continuité des deux précédentes stratégies de 2007 et 2013. Réaffirmant l’engagement de la France en matière de promotion de l’égalité femmes-hommes, il développe plusieurs principes d’actions et éléments méthodologiques concrets qui demeuraient imprécis lors des deux versions précédentes. Autre différence majeure : alors que jusqu’à présent les deux stratégies se cantonnaient au champ de la politique de développement française, cette stratégie 2018-2022 s’étend à l’ensemble de la politique étrangère française.

Le 8 mars, la présentation de cette nouvelle stratégie a été accompagnée de discours à la tonalité volontariste de la part de Marlène Schiappa et Jean-Yves Le Drian. La Secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères ont employé le terme de “diplomatie féministe”. Les droits et la santé sexuels et reproductifs, qui sont les droits les plus menacés à l’échelle mondiale, ont par ailleurs fait l’objet d’une attention particulière.

C’est également dans ce cadre que Jean-Yves Le Drian s’est dit “partisan de dire désormais, définitivement, droits humains” plutôt que droits de l’Homme. Cette évolution, portant, certes, sur une question de langage, n’en est pas moins importante. Equipop préconise l’utilisation de l’expression “droits humains” depuis plusieurs années et salue cette décision.

Des financements additionnels conformes aux ambitions stratégiques ?

Au regard du niveau d’ambition de cette stratégie, Equipop et ses partenaires de la société civile s’interrogent cependant sur les moyens financiers mis à disposition. Tout d’abord, on peut regretter que l’objectif de 50 % d’aide publique au développement “sensible au genre” choisi pour cette troisième stratégie ne soit pas plus élevé. C’était en effet déjà le seuil fixé entre 2013 et 2017, et la France, à ce jour, reste loin du compte (moins de 30%). Par ailleurs, n’a pas été évoqué de budget clairement associé à la mise en oeuvre de la stratégie. L’annonce d’un tel budget aurait eu le mérite de la lisibilité et de la cohérence.

Néanmoins, une réponse à ces interrogations, certes partielle mais pertinente, a été apportée par Marlène Schiappa le 12 mars. Lors de la 62ème Commission sur le statut des femmes des Nations unies (CSW), la ministre a évoqué “l’augmentation de 10 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’initiative “She Decides” pour les droits sexuels et reproductifs”. Ce financement ne suffira pas à lui seul à répondre aux défis auxquels souhaite répondre la stratégie. Il va cependant dans le bon sens et fixe les bases d’une dynamique à amplifier.

Même si nous doutons du caractère purement additionnel de ces engagements, il s’agit-là d’une nouvelle dont nous pouvons nous réjouir. D’une part car elle témoigne de la volonté d’une meilleure allocation des financements dédiés aux DSSR (Droits et Santé Sexuels et Reproductifs). En effet, jusqu’à présent, la France avait eu tendance à labelliser DSSR des projets assez éloignés du domaine.
D’autre part, parce que Marlène Schiappa a prononcé un discours fort à la tribune des Nations unies, et ce dans un contexte international tendu, notamment par rapport au droit à l’avortement.

Equipop espère que ces récents événements constitueront le début d’une mise en oeuvre concrète des ambitions affichées dans la troisième stratégie genre.